Ivoirité à Abidjan, congolité à Kinshasa





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Disons les choses telles qu’elles sont et n’ayons pas la langue de bois. La Côte d’Ivoire vit environ 30 années de crise sociopolitique, marquée par un coup d’Etat militaire (1999), une rébellion armée (2002) dont le prolongement a été la guerre post-électorale (2010-2011), en partie à cause du concept de l’ivoirité et/ou de l’introduction dans la Constitution de l’origine des parents comme condition pour briguer la magistrature suprême.   

Certains Ivoiriens se disant exclus par les nouvelles dispositions, ont pris les armes pour se faire justice. D’autres Ivoiriens solidaires, les ont soutenus activement. De ce point de vue, on peut affirmer que l’ivoirité a fait plus de mal que de bien au pays. Pour ses créateurs, c’est un concept culturel qui distingue le peuple ivoirien des autres peuples, qui singularise « l’Ivorian way of life » (la façon de vivre des Ivoiriens, en français). Une explication que les pourfendeurs de  l’ivoirité ont perçue comme une façon de tenter de  berner l’opinion publique.

Parce qu’en vérité, selon eux, l’Ivoirité visait à exclure de la course à la magistrature suprême, tous les Ivoiriens qui sont d’origine étrangère ou ayant un parent étranger. L’acteur politique ivoirien visé, toujours selon eux, serait Alassane Dramane Ouattara. La suite de tout le débat véhément sur l’Ivoirité, on la connait. Violence politique armée, morts et blessés à la pelle…avec 3000 morts durant la crise post-électorale de 20210-2011. La Côte d’Ivoire a bu le calice du drame jusqu’à la lie. Au point où aujourd’hui, le pays peine à se réconcilier et les Ivoiriens se regardent toujours en chiens de faïence. Chaque année électorale présidentielle suscite la peur au sein des  populations. L’année à venir, 2025, n’y échappe pas.  C’est cela la Côte d’Ivoire depuis 1993 jusqu’aujourd’hui.

Tout ce que ce pays phare de l’Afrique francophone a vécu est su de tout le monde entier. Que l’on soit en Amérique, en Europe, en Asie, en Afrique et même en Océanie, la longue période d’instabilité de la Côte d’Ivoire n’est pas restée cachée. Par la magie des médias, l’humanité n’a rien ignoré du drame ivoirien.

Lorsqu’un habitant de ton village a vécu un malheur chez lui et que tu en connais les raisons, cela te sers automatiquement de leçon. C’est à mon avis, ce que devrait être l’attitude de tous les autres pays africains. Si l’ivoirité a divisé et meurtri la Côte d’Ivoire, aucun pays africain ne devrait donc s’en inspirer. Mais c’est avec beaucoup de peine que nous constatons en République Démocratique du Congo (RDC), ex-Zaïre sous feu Mobutu, l’émergence de la Congolité qui s’affirme jumelle de l’Ivoirité.

L’idée d’une loi sur la Congolité est l’initiative de Noël Tshiani Muadiamvita, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2018.  Mais c’est le député NSingi Pululu, élu du Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-chef de l’Etat Joseph Kabila, qui a déposé, le jeudi 8 juillet 2021, devant l’Assemblée nationale, la proposition de loi réservant la fonction de président de la République exclusivement aux Congolais nés « de père et de mère » Congolais. Exit donc les Congolais ayant un parent étranger et ceux ayant acquis la nationalité congolaise. Comme il fallait s’y attendre, cette proposition de loi divise profondément la classe politique et les populations de la RDC. Pour certaines personnes, c’est une manœuvre visant à exclure de la présidentielle de 2023, un acteur politique majeur qui n’est autre que Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur de la riche province du Katanga dont le père est Grec.

La tension monte à Kinshasa et le climat sociopolitique pourrait se dégrader considérablement si le Parlement adopte ce projet de loi. Confronté depuis plusieurs années à des groupes armés dans l’Est du pays qui sèment des tueries de civils, la RDC est un pays instable qui pourrait à nouveau sombrer dans le chaos si la sagesse ne gagne pas les cœurs. Et puis à quoi sert la Congolité au sommet de l’Etat dans un pays melting pot où les acteurs politiques ayant un parent étranger foisonnent. Joseph Kabila s’est désolidarisé de son député NSingi Pululu. Même si celui-ci affirme, sans preuve palpable, que plus de 215 députés soutiennent cette proposition de loi y compris ceux de  « Ensemble pour la République » de Moïse Katumbi. La RDC court vers l’incertitude dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire depuis belle lurette. C’est dommage !

Didier Depry

didierdepri@yahoo.fr

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