Le terrorisme par l’autre bout





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Prenons le pari de prendre le parti pour cet autre regard sur le terrorisme en Afrique. Ne l’oublions pas. Les terroristes, ceux que l’Occident et nous, appelons ainsi, sont avant tout ces hommes et ces femmes qui, selon leurs propres dires, se battent contre l’Occident et son arrogance. Cet Occident qui, toujours selon eux, les brime, marche sur eux, froisse leur culture et leur en impose.

Dans les tout débuts de la percée du terrorisme en Afrique, les premiers propos des représentants de ceux que l’on appelle les «illuminés d’Allah» étaient assez clairs comme de l’eau de roche. Ils viennent s’attaquer aux intérêts de l’Occident et à tous ceux qui s’accoquinent avec les Occidentaux. On se souvient encore des attaques contres des hôtels censés abriter des touristes venus d’ailleurs, reconnaissables à la couleur de leur peau.

L’un des principaux défauts que ce monde porte en bandoulière, c’est sa grande capacité à négliger ou à minimiser l’essentiel. Or, comme l’ont écrit Alain Bauer et François-Bernard Huyghe dans un excellent livre, «Les terroristes disent toujours ce qu’ils vont faire». Ainsi donc, pour ne les avoir pas entendus et parce que le monde entier a fermé délibérément les yeux sur leurs annonces, les terroristes qui auraient dû sortir depuis fort longtemps du continent africain y sont encore et continuent d’écumer ses régions en semant la mort sur leur passage.

Ce monde a oublié aussi que celui qu’il appelle terroriste est, ailleurs, le combattant de la liberté. Là-bas, dans l’ailleurs, le vocable terroriste n’est rien de moins qu’un substantif manipulé pour casser un mouvement social, une dissidence intellectuelle ou «la résistance à l’oppression».

Il est clair donc qu’il n’y a pas d’unanimité sur la définition du terme terroriste. Dès lors, n’apparaît-il pas nécessaire de faire asseoir les uns et les autres autour d’une table, afin que leurs desiderata, tous leurs desiderata regardés de près, l’on puisse sortir, dans une suprême lucidité, une stratégie avec une approche holistique dont l’objectif principal serait de ramener le calme sur cette terre des hommes ?

L’une des actions à transformer en activité devrait être de casser l’unilatéralisme ambiant par un multilatéralisme qui offrira à chaque pays la chance de se développer à partir de ce qu’il est et ce qu’il veut et non de ce que les autres, les plus puissants, désirent et veulent qu’il soit. Car, n’ayons pas peur des mots, c’est l’unilatéralisme porté par un seul pays qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour régenter le monde qui est la sève nourricière ou mieux le levain de presque tous les grands conflits de ces vingt dernières années.

Les terroristes, du moins ceux que nous nommons ainsi, savent quel pays occidental les brime, les vulgarise et les étouffe. Il n’y a qu’à revisiter leurs interventions meurtrières en Occident pour s’en convaincre. Tant que les pays africains traiteront avec ces pays occidentaux pour les combattre, le terrorisme ne reculera pas. Ne soyons donc pas surpris qu’après dix bonnes années passées dans le Sahel avec toute son armada, l’armée française ne soit pas arrivée à éradiquer ce mal. Parce que tout simplement, et pour paraphraser un fonctionnaire du département d’Etat américain, la France ne soutient pas le terrorisme. Mais la France attire le terrorisme comme un aimant. Parce que la France est considérée comme un pays occidental arrogant qui brime les plus petits et froisse leur culture.

Est-ce ce message longtemps ignoré que la jeune génération de militaires ouest-africains a compris, elle qui opère ici et là des pronunciamento en évitant des confrontations ? Peut-être que oui. Peut-être que non. Pour notre part, il sera difficile à cette jeune génération de répondre par la négative. Souhaitons-lui qu’elle accélère et prolonge l’action à laquelle la population a déjà donné une impulsion avec une dextérité, une précision et un tranchant dignes d’un missile russe.

Abdoulaye Villard Sanogo

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