Election: exclure l’autre est-il la solution ? (Paulin Djité, professeur de sociolinguistique)





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Il y a un peu plus de 10 ans, Mamadou Koulibaly, alors président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, m’avait invité à partager la perception de la diaspora ivoirienne sur la gouvernance du Front Populaire Ivoirien (FPI) - dans sa version originelle, celle de Koudou Laurent Gbagbo -, à l’occasion de la célébration de la Fête de la Liberté (fin avril/ début mai 2010).

J’ai profité de l’occasion pour mettre en relief la méchanceté et/ou la naïveté et le manque d’humilité dont faisaient preuve les cadres du FPI et je leur conseillais vivement de régler avec détermination et fermeté la sortie de crise, les problèmes de l’école et de la santé. Volet de bois vert, désapprobation et critiques acerbes ; les inconditionnels du parti voulaient me faire ravaler mes mots. Moins d’un an plus tard, ils perdaient le pouvoir dans les conditions que tout le monde sait. Si seulement ils m’avaient écouté, suis-je tenté de dire…

 Voilà au moins dix ans que je suis rentré au pays, forcé dans une certaine mesure à prendre une retraite anticipée, pour veiller sur et réconforter ma mère qui a perdu sa maison et failli passer de vie à trépas lors des événements qui ont précédé la fin du pouvoir FPI. Voilà un peu plus de dix ans que j’observe la scène politique comme l’universitaire que je suis resté ; c’est-à-dire, sans parti pris, confiant que nos acteurs politiques reviendront à la raison.

 Hélas, mille fois hélas ! À chaque échéance électorale nous entendons le traître même mot : « exclure ». Et nous sommes témoins de nouvelles intrigues politiciennes qui ont pour seul but d’« exclure » l’autre et qui mèneront inévitablement à des pertes en vies humaines, alors même que ceux qui attisent les flammes de la discorde ont déjà enlevé leur veste et sont prêts à la retourner pour aller s’asseoir à la table de celui qu’ils clamaient être leur ennemi.

 Ce « discours de l’exclusion » de l’adversaire politique d’un moment n’est pas nouveau, et le disque s’est rayé depuis longtemps. Pour préserver sa nation, celle qu’ils s’acharnent à mettre en lambeaux tous les cinq ans quand ils veulent nous mettre sous leurs bottes, l’Ivoirien responsable doit dire : « ça suffit ! », « Plus jamais ça ! ». Que celui qui ne veut pas participer à un scrutin juste et transparent ne sollicite pas le suffrage des Ivoiriens, que celui qui est frileux face à la concurrence ne se présente pas aux élections. Exclure l’autre n’est jamais la solution.

 Les Grecs de l’antiquité s’employaient à faire une séparation réelle et effective entre la « vie nue » : zöë, et « l’existence politique » : bios (voir Giorgio Agamben, Hannah Arendt et Michel Foucault). Zöë exprimait le simple fait de vivre, commun à tous les êtres vivants, y compris les animaux ; c’est-à-dire, la simple vie naturelle, et bios faisait référence à la façon de vivre propre à un individu ou à un groupe (le mode de vie particulier). J’étais convaincu qu’ils avaient raison et que je pouvais mener une vie simple de jeune retraité qui prend son temps à apprécier la nature et ses concitoyens dans leurs différences.

 Je découvre avec Agamben que notre soi-disant modernité - je dirais notre contexte de vie - remet en cause la différence entre ces deux notions et les met dans une zone d’indifférenciation irréductible. Cette indifférenciation et cette unicité lexicale sont depuis quelques jours à l’origine d’un inconfort de plus en plus grandissant qui m’agace et me fait perdre patience, moi qui avais tant pris soin de me soustraire à la biopolitique. Et comme mes concitoyens qui se sont déjà exprimés sur cette question, me voici fatigué et essoufflé, profondément affligé par les ravages que me cause - que nous cause – cette volonté d’« exclure » l’autre.

Une contribution de Paulin G. DJITE, PhD., NAATI III, AIIC, Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques

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