Situation au Niger : Simone Gbagbo tire sur la France, la CEDEAO, l’Union africaine et Ouattara





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Simone Ehivet Gbagbo, présidente du Mouvement des générations capables (MGC), a donné son avis sur la situation au Niger. Dans une déclaration, elle n’est pas allée du dos de la cuillère pour dire ses vérités aux chefs d’Etats africains qui veulent recourir à une intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnelle dans ce pays. Elle a dénoncé la décision du président Alassane Ouattara d’engager l’armée ivoirienne sans aviser le parlement. Elle trouve surtout les sanctions contre le Niger inhumaines. Ci-dessous, pressecotedivoire.ci vous propose l’intégralité de cette déclaration.

DÉCLARATION DE DOCTEUR SIMONE EHIVET GBAGBO, PRÉSIDENTE DU MOUVEMENT DES GÉNÉRATIONS CAPABLES (MGC), RELATIVE À LA SITUATION POLITIQUE AU NIGER

La République du Niger a connu, le 26 juillet 2023, un changement de pouvoir par la force. Le régime du Président Mohamed BAZOUM a été renversé par des militaires nigériens, réunis au sein du Conseil National de Sauvegarde de la Patrie (CNSP) dont le chef est le Général Abdourahamane TCHIANI.

Ce coup de force du reste salué par la grande majorité de la population nigérienne intervient dans un contexte particulier de crise où le Niger comme l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest, fait face au fléau du terrorisme.

Le 30 juillet 2023, à l’issue du cinquante-et-unième sommet extraordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO consacré à la situation politique au Niger, il a été décidé l’application des mesures suivantes avec effet immédiat :

« 1- Fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger ;

2- Etablissement d’une zone d’exclusion de la CEDEAO pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger ;

3- Suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les États membres de la CEDEAO et le Niger ;

4- Gel de toutes les transactions de service, y compris les services publics ;

5- Gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO ;

6- Gel des avoirs de l’État du Niger, ainsi que des entreprises publiques et parapubliques logés dans les banques commerciales ;

7- Suspension du Niger de toutes formes d’assistance financière et de transactions avec toutes les institutions financières notamment la BIDC et la BOAD ;

8- Interdiction de voyage et gel des avoirs des officiers militaires impliquées dans la tentative de coup d’État. Cette mesure s’applique également aux membres de leurs familles et aux civils acceptant de figurer dans toute institution ou tout gouvernement à mettre en place par ces officiers militaires ;

9- Lancement d’un appel en direction de l’UEMOA et de tous les autres organismes régionaux pour la mise en application de la présente décision. »

En plus de ces mesures de rétorsion drastiques essentiellement d’ordre économique et financier, les chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO ont prévu une intervention militaire si le Président déchu n’est pas rétabli dans ses fonctions au terme d’un ultimatum d’une semaine.

Au moment où une autre session extraordinaire de la CEDEAO est annoncée pour le jeudi 10 août 2023 en vue de réévaluer la situation suite à l’ultimatum échu le dimanche 6 août 2023, j’invite toutes les parties prenantes endogènes et /ou exogènes au Niger et à la CEDEAO à faire preuve de sagesse.

À la vérité, la position des dirigeants de la CEDEAO est la même que celle qu’ils avaient prise contre le régime du Colonel Assimi Goïta au Mali.

Je rappelle que la série de sanctions qui en découlent fait penser à celles qui ont été prises par cette même organisation sous-régionale, sous l’instigation de la France et de l’Union Européenne, contre la Côte d’Ivoire, pendant la crise postélectorale de 2010-2011. L’on avait alors, au nom de prétendues règles démocratiques à respecter, poussé à son comble le cynisme politique en imposant au peuple ivoirien un embargo sur les médicaments importés. Plusieurs personnes perdirent la vie. Tout cela s’est fait dans l’indifférence totale, et parfois avec la complicité de certains pays africains, voisins de la Côte d’Ivoire.

Ces sanctions produisent comme conséquence une punition du peuple nigérien. Leur sévérité et la rapidité avec laquelle elles ont été mises en œuvre, inclinent à penser que l’on reproche aux forces vives du Niger leur soutien aux acteurs du coup d’État.

Ces sanctions apparaissent ainsi comme une mise en garde contre toute volonté des peuples africains à lutter pour leur souveraineté.

Ces sanctions confortent également la majorité de l’opinion africaine dans le sentiment que la CEDEAO et l’UEMOA sont instrumentalisés par les chefs d’États pour protéger et perpétuer leurs régimes et leurs intérêts. Elles traduisent éloquemment la tendance de plus en plus affirmée à utiliser des institutions économiques et financières pour tenter de régler des crises politiques internes aux États dans un sens qui n’est pas forcément celui qu’approuvent les peuples.

Enfin, ces sanctions donnent à l’opinion africaine, le sentiment que ces organisations aux ordres des chefs d’États sont manipulées par la France et par ses partenaires européens et internationaux.

Je réaffirme, ici, que les sanctions prises contre le peuple frère du Niger sont illégales ; car aucune règle de la CEDEAO et de l’UEMOA ne les justifie. Ces sanctions à caractère purement politique sont iniques et peuvent être qualifiées de crime contre l’humanité. Sur le plan éthique, elles sont inhumaines.

Que l’on ne s’y trompe pas, les enjeux majeurs de cette crise au Niger s’apparentent à ceux des crises du Mali et du Burkina Faso. Ils se cristallisent autour de la problématique de la souveraineté de la République du Niger et des ex-colonies africaines de la France qui, 63 ans après la proclamation de leur indépendance politique, subissent encore le diktat des gouvernants français.

L’on retient ici trois enjeux majeurs :

-La crise nigérienne est d’abord et avant tout, une opportunité pour réévaluer les relations entre la France et le Niger, entre cette ancienne puissance coloniale et ses ex-colonies. Le peuple et les autorités de ce pays se donnent l’occasion de prendre en main les leviers géostratégiques nécessaires à garantir une véritable indépendance de leur nation.

-La crise nigérienne, c’est aussi une opportunité que se donnent les nouvelles autorités du Niger en vue de tirer le meilleur parti d’une mondialisation amplifiée des relations internationales. Elles pourraient ainsi profiter du conflit qui les oppose à la France pour faire appel à d’autres partenaires comme la Russie, la Chine, la Turquie, etc.

-La crise nigérienne est révélatrice d’un nouvel état d’esprit des peuples africains et des armées africaines. Elle est un exemple qui peut aussi faire tâche d’huile. L’on assiste progressivement à une amplification et à une généralisation de la lutte pour la souveraineté des États de l’Afrique de l’Ouest par les peuples eux-mêmes et non plus par des idéologues.

Aujourd’hui, la menace d’une attaque du Niger par les forces de la CEDEAO et de ses alliés occidentaux cristallise toutes les attentions et fait craindre dans la sous-région ouest-africaine un chaos comparable à celui qu’ont entrainé l’assassinat du colonel KADHAFI et la déstabilisation de la Lybie.

Or, le Président Alassane Ouattara a décidé au cours d’une réunion du Conseil National de Sécurité tenue, le 2 août 2023, d’engager l’armée ivoirienne dans l’intervention militaire de la CEDEAO contre la République du Niger. Cette décision transgresse la Constitution ivoirienne qui dispose en son article 104 :

« La déclaration de guerre est autorisée par le parlement.

En cas de désaccord entre les deux chambres, la décision appartient à l’Assemblée Nationale ».

Le Chef de l’État aurait dû obtenir l’accord préalable du parlement avant d’engager le pays dans cette guerre.

Je tiens à dire que ni les sanctions économiques et financières, ni l’intervention militaire contre le Niger ne sont de nature à apporter des solutions viables à la crise.

C’est pourquoi, conformément à ma vision d’une Afrique digne, souveraine et prospère,

-J’affirme ma solidarité au peuple frère du Niger ;

-Je rappelle qu’après des siècles d’esclavage, des décennies de colonisation et d’indépendance politique, toute velléité de recolonisation de l’Afrique contemporaine est inacceptable ;

-Je déclare que le moment est venu de retirer du continent africain, toutes les forces militaires françaises ;

-Je condamne fermement les sanctions inhumaines de la CEDEAO et de l’UEMOA contre les populations nigériennes ;

-Je demande la levée le plus rapidement possible de toutes les sanctions contre le Niger ;

-J’interpelle la CEDEAO, la France, l’Union Européenne, l’Union Africaine et l’ONU sur leurs responsabilités quant à la dégradation de la situation humanitaire au Niger ;

-Cela est vrai, je réaffirme mon attachement aux principes démocratiques dans la conquête et l’exercice du pouvoir d’État. En conséquence je suis contre toutes formes de coup d’État, qu’il soit civil ou militaire.

-Mais je condamne également le recours à la guerre par la CEDEAO comme moyen de règlement de la crise politique au Niger ;

-Je voudrais faire partager ma conviction que seul le dialogue entre les protagonistes et les parties prenantes permettra de trouver une solution négociée et durable à cette crise ;

-Je demande qu’à aucun moment l’armée de Côte d’Ivoire ne soit utilisée ni par l’État ivoirien, ni par la CEDEAO pour mener une guerre au Niger contre l’armée nigérienne et le peuple nigérien ;

-J’appelle tous les peuples amis, épris de justice, de paix et de liberté, à aider le Niger et l’Afrique à s’assumer pleinement et à occuper la place qui leur revient de droit dans le concert des nations libres, démocratiques et souveraines.

Que Dieu protège le Niger et bénisse l’Afrique !

 

Fait à Abidjan, le mardi 08 août 2023.

Docteur Simone Ehivet Gbagbo

Présidente du MGC

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