Quand Dakar parle à Abidjan





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Pourtant, l’alerte est partie d’ici. Au lendemain du décès d’Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, il lui a été trouvé un remplaçant comme Emerse Faé a pu en trouver un à Sébastien Haller ou à Franck Kessié lors de la CAN 2023. Le ciel n’est pas tombé sur la tête du parti laissé par Bédié tout comme il n’est pas tombé sur la frêle tête de Faé. Bien au contraire, le changement a propulsé les deux entités dans une dynamique généreuse pour le grand bonheur de leurs ouailles.

La preuve est donc faite qu’il ne faut pas avoir peur des changements dans la vie. Il suffit seulement qu’ils soient bien pensés. On doit être en train de se poser mille et une questions au PDCI pour savoir pourquoi Bédié n’a pas opté à temps pour un changement dynamique. C’est vrai qu’il n’est pas aussi aisé de partir comme ça, mais les grands hommes sont ceux et celles qui savent partir, laissant derrière eux les ors des palais et les honneurs. Honneurs à Nelson Mandela ! Chapeau bien bas à Max-Alain Gradel des Eléphants de Côte d’Ivoire !

Le vrai problème de la passation du pouvoir à une nouvelle génération en Afrique n’est pas ailleurs. Il est dans la volonté manifeste des chefs de s’agripper à leurs privilèges, créant ainsi autour d’eux le mythe de l’inexpérience de la jeunesse. De fait, ils se croient si puissants, si intelligents, si forts, si populaires qu’il leur est loisible de manipuler ceux-là mêmes qui sont promus à prendre leur place. Au point où ce sont ces derniers qui mettent tout en œuvre pour que perdure le pouvoir qu’ils sont appelés à renouveler. Incroyable !

Vous noterez que personne dans les assemblées ne peut lever le petit doigt pour rappeler, ne serait-ce qu’une promesse du chef de s’en aller après l’atteinte de tel ou tel résultat. Si le doigt qui ose se lever n’est pas coupé aussitôt, c’est la voix de son propriétaire qui est étouffée systématiquement. Ne nous y trompons pas. C’est le chef qui est derrière, qui pousse, qui récompense même les excellents exécutants du projet concocté nuitamment. De sorte que si une situation extérieure inextricable ne vient pas s’imposer au chef en question, tout baignera pour lui et ses courtisans.

Croyez-vous vraiment que Ouattara et Gbagbo sont encore et toujours devant leurs brebis parce qu’il manquerait de pions d’échange ? Non, évidemment. Il suffit qu’ils décrochent pour que le lendemain du décrochage, de solides candidatures se révèlent et créent par la même occasion une nouvelle dynamique. D’ailleurs, ils ne le savent que trop. Mais comment y arriver avec eux ? C’est parce que Laurent Gbagbo n’a pas accepté d’avoir quitté brutalement le pouvoir que le mouvement « Gbagbo ou rien » ou GOR s’est créé au FPI et a plombé ce parti autrefois de masse. C’est parce qu’il est convaincu de revenir prendre sa place que le nouveau parti PPA-CI est né. C’est parce que Ouattara n’était pas sûr d’avoir assuré ses arrières qu’il est parti et revenu aussitôt. C’est parce que le président du RHDP ne juge pas utile de partir maintenant que des voix s’élèvent, partout dans son parti, pour annoncer son quatrième mandat.

Max-Alain Gradel, capitaine des Eléphants, récent vainqueur de la CAN 2023, 36 ans seulement, qui était encore très utile à l’équipe, a décidé de partir la tête haute. Il sera remplacé automatiquement par un autre ailier. C’est le sens du mouvement de la vie. On dit que, comme la nature, elle a horreur du vide. Mettons fin à cette paresseuse et macabre idée qui veut que des humains soient irremplaçables. Si Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo décident demain de quitter le champ politique, ils seront remplacés le jour-même de leur départ par des hommes et des femmes valables, comme l’a été Bédié au PDCI.

Mais aussi, comme l’a été Ousmane Sonko au Sénégal. Le jeune opposant anti-système qui partait largement favori dans la course à la présidence de la République du Sénégal, a été recalé à la suite d’un vrai complot de l’ordre du chat noir des années 60 en Côte d’Ivoire. Pour ne pas mettre du plomb dans l’aile de la victoire annoncée de la jeunesse qui n’a d’yeux que pour lui, il a appelé son parti et tous les militants à soutenir son bras droit Diomaye Faye. Et cela, sans aucune hésitation afin d’éviter de faire comme cet animal : détruire par la queue ce qu’il construit par les mains. On n’est pas seulement grand par la taille mais aussi et surtout par la taille des actes que l’on pose et qui restent gravés dans le marbre de l’Histoire.

Reconnaissons-le, ces dernières années, le Sénégal nous enseigne sur la manière de mener sainement une vie politique. Non seulement ce pays a réussi pour la deuxième fois à mettre hors d’état de nuire un chef d’Etat en fonction qui met tout en œuvre pour briguer un troisième et sans doute un quatrième mandat, mais il nous apprend tous les jours combien la communauté, la multitude est plus importante que l’individu. Ecarté aussi de la présidentielle par le même Macky Sall, président sortant, Karim Wade, fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, a décidé avec son parti le PDS, d’appeler ses militants et le peuple sénégalais à reporter leurs voix sur les nom et prénoms du candidat d’Ousmane Sonko. Il faut le faire !

Abdoulaye Villard Sanogo

 

 

 

 

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