Les mêmes causes produisent les mêmes effets





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Semaine après semaine, les matières d’une réelle tension socio-politique se mettent en place en Côte d’Ivoire. Chaque semaine avec son lot d’injustices et de frustrations. Un climat qui rappelle ceux qui ont précédé les graves crises que le pays a connues dans le passé.

Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Bouaké était l’invité du journal télévisé de 13 heures hier sur la première chaîne de la télévision nationale. Malgré sa conférence de presse la semaine dernière à Bouaké, Koné Braman a encore trouvé nécessaire ce dimanche, de venir s’expliquer sur l’affaire Jacques Mangoua, du nom du président du Conseil régional du Gbêkê. Une fois de plus, il a tenté de convaincre l’opinion de ce que l’emprisonnement de cet élu n’a aucun dessous politique. Le chef du parquet de Bouaké a multiplié les arguments pour nous persuader que la procédure de moins d’une semaine qui a abouti à la condamnation du tombeur du Rhdp lors des dernières élections régionales dans le Gbêkê est totalement ordinaire. A l’écouter, Jacques Mangoua était bel et bien le propriétaire des 991 munitions d’armes de guerre, 49 munitions de fusil calibre 12 et 40 machettes découverts à sa résidence de N’Guessankro, son village, où le mis en cause affirme ne s’être pas rendu physiquement depuis la dernière fête de Pacques. Cependant, d’après l’accusateur, l’arsenal saisi n’a pas été introduit au sein du domicile du vice-président du PDCI, comme on le croit, par ses adversaires politiques afin de lui créer des ennuis judiciaires et l’éloigner de la présidence du conseil régional du Gbêkê que le parti au pouvoir voudrait contrôler par la force après l’avoir perdu dans les urnes.   

Rarement une décision de justice a fait l’objet d’autant d’explications dans des médias. C’est le signe de ce que le procureur s’est rendu compte que la population ne croit pas à la culpabilité du condamné. Les actions de protestation contre ce procès auxquelles on a assisté dans la ville de Bouaké et ses alentours en sont un témoignage. Même des chefs traditionnels se sont mobilisés pour apporter leur soutien au prévenu qui n’est à leurs yeux que la victime d’un complot politique. Et si ces manifestants, dont l’un a trouvé a hélas trouvé la mort pendant la répression des forces de l’ordre (ce qui en rajoute aux rancœurs), ont fini par rentrer chez eux, cela ne signifie pas qu’ils ont approuvé le verdict du jugement. La colère ne quittera pas leurs cœurs jusqu’à ce que soit réparée ce qu’ils considèrent comme une injustice faite à leur élu.

Moins de 48 heures après ce verdict fortement contesté, un autre membre de l’opposition sera mis aux arrêts à Bouaké. Il s’agit de Moctar Diallo, le coordonnateur régional du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Raci). Il est poursuivi pour « trouble à l’ordre public ». Il lui est reproché sa participation aux manifestations contre l’emprisonnement de Jacques Mangoua. Il vient s’ajouter à la liste déjà très longue de personnes écrouées pour leur proximité, supposée ou réelle, avec Guillaume Soro. Sans oublier l’assassinat, à Korhogo en 2018, de Soro Kognon, un autre membre du Raci, parti politique qui a pour président d’honneur l’ancien chef du Parlement ivoirien. Il a été tué lors d’une activité du Raci par des envoyés du Rhdp qui ne souhaitait pas la tenue de ladite activité à Korhogo. Les familles biologique et politique de Kognon n’ont jamais obtenu justice. Elles gardent leur douleur. Tout comme celles des nombreux détenus politiques et autres victimes d’injustices sociales que multiplient un pouvoir obnubilé par son maintien en 2020. Oubliant que les injustices appellent toujours des révoltes, et que les victimes n’accepteront pas continuellement de subir. Ce sont des situations similaires qui ont conduit aux crises socio-politiques qui ont endeuillé le pays. Hélas les mêmes causes renaissent. Il faut craindre qu’elles produisent les mêmes effets.

Cissé Sindou

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