Les imams sont-ils neutres ?





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Le Cosim a appelé les musulmans de Côte d’Ivoire à jeûner les 9,10 et 11 janvier. Cet appel de la plus grande organisation d’imams en Côte d’Ivoire a été boudé par certains fidèles. D’autres l’ont même contesté.

Rarement une consigne du Conseil Supérieur des Imams, des mosquées et des affaires islamiques en Côte d’Ivoire (Cosim) n’aura été autant controversée. Dans un message diffusé dans un communiqué et à travers des prêches du vendredi, la principale organisation islamique du pays a invité les membres de la communauté musulmane à observer trois jours de jeûne : le jeudi 9, le vendredi 10 et le samedi 11 janvier 2020, pour la préservation de la paix. Mais aussitôt cette décision rendue publique qu’elle a suscité une grande polémique.

Au sein même de la communauté islamique, elle a laissé perplexes des fidèles. Sur les réseaux sociaux en dehors, plusieurs d’entre eux se sont interrogés sur l’objectif réel de cette demande de leurs guides religieux. Ils les soupçonnent d’avoir organisé ce jeûne collectif pour protéger le pouvoir en place. Pour les partisans de cette thèse, les imams ont été mis en mission par les dirigeants du pays. Les imams, se convainquent-ils, étaient chargés, contre une forte récompense financière, de mobiliser le plus grand nombre de personnes dans cette dévotion collective afin d’appeler la protection d’Allah sur le régime Rhdp. Un régime qui fait face à une contestation de plus en plus prononcée.

Les plus nombreux sont ceux qui ont jugé inopportune ce jeûne demandé par les guides musulmans. Ils estiment que le Cosim a mieux à faire actuellement que de lancer un tel appel. Ils invitent les imams à des actes plus concrets. Ils leur demandent, par exemple, d’emboiter le pas à l’archevêque d’Abidjan qui, au cours de son homélie du 30 décembre dernier à la cathédrale St Paul du Plateau en présence du chef de l’Etat, et de bien d’autres membres du gouvernement, a prié Alassane Ouattara de faire sortir du « cachot » les cadres de Générations et peuples solidaires (GPS) arrêtés le 23 décembre suite au retour avorté, ce même jour, de Guillaume Soro, président de ce mouvement et candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2020.  

Très prolixes lorsque la répression des régimes précédents s’accentuait contre le RDR, les imams sont aujourd’hui critiqués pour leur silence dans une situation similaire. Dans les commentaires, leur appel au jeûne a donc été parfois interprété comme une fuite de responsabilité. Comme cela arrive rarement, (la dernière division majeure au sein de la communauté musulmane pour des raisons politiques remonte à la crise postélectorale de 2010-2011), il y a eu un contre appel à celui du Cheikh Boikary Fofana. Sur leurs pages Facebook, de nombreux musulmans ont demandé à leurs coreligionnaires de ne point observer de jeûne durant les trois jours indiqués par le Cosim. Ces contestataires ont même rappelé au Cosim le verset 11 de la sourate 13 du Coran où il est écrit : « En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les gens le composant ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes ».  Une manière d’expliquer aux guides musulmans que les prières et le jeûne ne changeront rien tant que les acteurs politiques ne poseront pas des actes allant dans le sens de la paix. Cette réaction d’une partie de la communauté musulmane a été un signe éloquent d’une nouvelle division au sein cette communauté. Ce rejet public de son mot d’ordre par des fidèles devrait amener l’instance suprême des imams à s’interroger. Oui, au lieu de rester sur la défensive et dans la justification, ce désaveu devrait conduire Cheikh Boikary Fofana et ses proches à se poser de bonnes questions. Pourquoi leur appel au jeûne a été contesté par des musulmans ? Que faut-il faire pour rassurer leurs propres fidèles, et par-delà l’ensemble des Ivoiriens, de leur impartialité et leur objectivité face aux différents camps politiques en Côte d’Ivoire ? Distingués imams, rassurez-nous.  

Cissé Sindou              

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