La vengeance jusqu’à quand ?





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Au lieu de réveiller les vieux démons, la probable liberté inconditionnelle de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé devrait permettre à la Côte d’Ivoire de rompre le cycle des vengeances.  

Malheureusement, la réalité ne rassure pas. Comme à chaque fois que leur liberté totale se profile, ces jours-ci, à la faveur de l’audience en appel à la CPI, les réactions des Ivoiriens, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur, montrent la persistance des rancœurs. Neuf ans après l’arrestation de Laurent Gbagbo qui a marqué officiellement la fin de la crise postélectorale de 2010-2011, nombreux sont ses partisans qui n’attendent que l’heure de la revanche. Au moindre espoir d’un retour au pays de leur champion, ils n’arrivent pas à cacher leur vœu de vengeance. Ils déclarent qu’un retour au pays de Laurent Gbagbo sera synonyme de son retour au pouvoir, et que ce sera l’occasion de régler les comptes de 2010-2011. Pour eux, la victoire de Laurent Gbagbo à cette élection présidentielle lui a été volée avec l’aide de l’Extérieur.  Depuis lors, disent-ils, la Côte d’Ivoire est prise en otage. Le retour au pouvoir de Gbagbo sera donc pour eux la fin de cette prise en otage. Le pays reviendra aux mains des vrais Ivoiriens et tous ceux qui ne sont pas considérés comme tels seront châtiés. Ces réactions ont pour effet de réveiller la colère de ceux d’en face. Elles font revivre aux partisans d’Alassane Ouattara les films des tueries que leur camp a subies après le rejet des résultats de la CEI par le camp Gbagbo et le refus de l’ancien Président de céder le pouvoir à Ouattara. Ils revivent les scènes des personnes brûlées vives dans différents quartiers d’Abidjan par des activistes pro-Gbagbo, les répressions sanglantes des marches comme celle des femmes à Abobo. Pour ces derniers, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont les principaux responsables de ces massacres. Par conséquent, ils désapprouvent le principe même de leur acquittement en première instance, à fortiori leur libération totale qui signifierait pour eux une seconde mort pour ceux qui ont perdu la vie, et une injustice de trop pour ceux qui sont marqués à vie. Alors, eux aussi crient vengeance. En cas de liberté totale pour ces prisonniers, certains pro-Ouattara annoncent clairement leur intention de rendre à leur manière aux victimes la justice que la CPI n’aurait pas pu leur rendre. Voici la bombe à retardement sur laquelle se trouve aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Si rien n’est fait, elle pourrait exploser à tout moment et les dégâts tant humains que matériels pourraient être plus graves qu’en 2010. Comme les crises de 1999, de 2000,2002 et 2010, cette nouvelle guerre, quelle qu’en soit l’issue, causera de nouveaux torts que l’on voudra encore venger demain. C’est pourquoi nous devons rompre ce cycle macabre de vengeances. Tel que le recommande Guillaume Soro, cela demande que toutes les parties reconnaissent leur part de responsabilités dans ces crises successives qui ont fait des victimes dans tous les camps. Les Ivoiriens de tous bords doivent accepter de tourner définitivement les pages du passé, tuer la rancœur en eux, demander pardon et accepter de pardonner. « Nous ne devons pas léguer nos haines en héritage aux futures générales », prévient le président de GPS. Les citoyens ont une part dans ce sursaut, mais la plus grande part revient aux leaders politiques. Eux qui sont religieusement écoutés et suivis par leurs partisans respectifs.  Ils doivent pour une fois mettre la Côte d’Ivoire au-dessus de leurs intérêts politiciens, et prendre les devants de ce nouveau départ pour la Nation. Alassane Ouattara doit mettre fin aux entraves politico-judiciaires au retour au pays et même dans la vie politique ivoirienne de Gbagbo et de Blé Goudé. De même, ces deux personnalités, malgré leurs années d’incarcération à La Haye, doivent inciter leurs partisans au pardon. Ils doivent clairement leur demander d’oublier définitivement 2010 et regarder désormais vers l’avenir. Nous avons le choix entre ce sacrifice pour la paix, et des vies d’Ivoiriens encore sacrifiées. Sachons que nul n’est à l’abri. Du bas peuple jusqu’au sommet.  

Cissé Sindou                    

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