Condamnation d’Amadé Ourémi : une organisation des droits de l’homme épingle la justice ivoirienne





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Le mercredi 24 mars 2021, s’est ouvert devant le tribunal criminel d’Abidjan-Plateau, le procès de M. Amadé Ourémi, chef d’une milice qui a régné en maître absolu durant 10 ans dans la forêt classée du Mont Peko. Arrêté le 18 mai 2013, il a été inculpé pour 24 chefs d’accusation, notamment le crime de génocide, sur la base des massacres perpétrés les 28 et 29 mars 2011 au quartier Carrefour de Duékoué. Selon les Nations unies et plusieurs ONG, ces massacres ont occasionné la mort de 817 personnes lors de la crise post-électorale de 2010-2011. L’accusé a été condamné le jeudi 15 avril 2021 à la prison à perpétuité assortie d’une amende de près de 2 milliards de francs Cfa, après huit jours d’audiences qui ont vu se succéder à la barre 34 témoins à charge.

L’OIDH félicite l’Etat de Côte d’Ivoire pour l’ouverture de ce procès qui témoigne de sa volonté de lutter contre l’impunité et de rendre justice aux victimes des crises survenues lors de la crise post-électorale.

Cependant, pour l’OIDH aussi bien dans la forme que dans le fond, ce procès pourtant tant attendu comme le point de départ d'une autre série de poursuites au niveau national, a présenté des points d'interrogation qui n’ont pas permis de faire toute la lumière sur les faits allégués.

En effet, nonobstant la gravité de certains chefs d’accusation qui impliquent des crimes internationaux, cette procédure a abouti à un procès qui ne s’est tenu que dans un délai de moins d’un mois là où il aurait peut être fallu prendre plus de temps sur chacun des détails revelés par l'accusation, les parties civiles et la défense.

En outre, l’irrecevabilité de la requête introduite par toutes les parties au procès visant la condamnation solidaire de M. Amadé Ouremi avec l’Etat de Côte d’Ivoire, dénie la responsabilité de l’Etat dans ces événements malgré son manquement à son devoir régalien de protéger les populations civiles. Cette situation pourrait rendre difficile l’action en paiement de dommages et intérêts introduite par la partie civile du fait de l’indigence visiblement notoire de l’accusé.

Outre cela, l’OIDH s'interroge sur le rejet de la requête de la Défense visant la comparution de certains acteurs clés de ces massacres nommément cités par l’accusé au cours des différentes audiences en raison de leurs passifs de chefs de guerre. Leurs interventions dans ce procès auraient sans doute permis des débats plus utiles à la manifestation de la vérité et révéler d'autres responsables.

En tout état de cause, s’il est vrai que M. Amadé Ourémi porte une responsabilité indéniable dans les crimes qui lui sont reprochés, pour l’OIDH, il est inconcevable qu’il en soit tenu seul auteur vu l’ampleur et la magnitude des crimes et le contexte de leur commission. L'oidh exhorte le gouvernement à poursuivre les investigations et les poursuites contre toutes les personnes contre lesquelles il existerait des raisons valables de penser qu'elles ont un lien avec les faits allégués, et sans considération de leur position actuelle.

L’OIDH se réserve le droit de se constituer partie civile devant les juridictions ivoiriennes et si besoin d'exhorter les juridictions criminelles internationales, notamment la CPI à s'intéresser de plus près pour que justice soit rendue aux victimes des crimes commis à Duékoué et plus globalement à l'ensemble des victimes des crises successives qui ont émaillé l'histoire de la Côte d'Ivoire ces deux dernières décennies.

L’OIDH voudrait rappeler que la lutte contre l'impunité dans le contexte actuel impose de poser des actes forts afin de rassurer toutes les victimes et mettre fin au cycle de violences auquel le pays s'est malheureusement accoutumé.

Fait à Abidjan le 16 avril 2021

Le Secrétariat Général

Crédit photo © Sia Kambou

 

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