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AES – CEDEAO, Les conséquences d'un conflit mal géré
29 nov. 2024, 10:56

Les chefs des états de l'AES Assimi Goita (Mali) Tiani (Niger) et Ibrahim Traoré du Burkina Faso

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L'Alliance des États du Sahel (AES), encore appelée Liptako-Gourma, est un pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso le 16 septembre 2023. L'accord est signé à la suite du coup d'État du 26 juillet 2023 au Niger, contre lequel la CEDEAO menaçait d'intervenir militairement. L'AES a été créée pour aider à contrer d'éventuelles menaces de rébellion armée ou d'agression extérieure, en soulignant que « toute attaque contre la souveraineté et l'intégrité territoriale d'une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties ».

Contexte

La région du Sahel est le théâtre de bandes terroristes et mercenaires depuis 2003. Cette situation a conduit à de nombreux conflits dans la région, tels que la guerre du Mali et l'insurrection de Boko Haram. Les trois États membres ont connu des coups d'État militaires ces dernières années, provoquant une détérioration des relations avec le reste de la CEDEAO et la communauté internationale. Chacun des pays est désormais gouverné par une junte militaire.

Lors d'un coup d'État militaire en 2021Assimi Goïta prend le pouvoir au Mali, succédant à Bah N'Daw qui est lui-même arrivé au pouvoir lors d'un précédent coup d'état en 2020, renversant le dernier président démocratiquement élu, Ibrahim Boubacar Keïta, et instaurant un Comité national pour le salut du peuple.

Quelques mois plus tard, lors du coup d'État de 2021 en Guinée, le Comité national du rassemblement pour le développement nomme Mamadi Doumbouya président de la Transition, destituant le précédent président Alpha Condé.

À la suite du coup d'État de septembre 2022 au Burkina Faso, l'armée renverse le précédent gouvernement militaire, installant Ibrahim Traoré à la place de Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir lors du coup d'État de janvier 2022, qui remplace le gouvernement du président Roch Marc Christian Kaboré et instaure le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration.

Le 26 juillet 2023 au Niger, le général Abdourahamane Tiani renverse le gouvernement de Mohamed Bazoum et devient le président de la transition au niger.

Formation

Les quatre États, le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Niger, sont membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et sont tous suspendus en raison de la prise de pouvoir des juntes militaires. À la suite du coup d'état au Niger, la CEDEAO a menacé d'intervenir militairement et de rétablir le gouvernement du président Bazoum. Le gouvernement nigérien bénéficie du soutien du Mali et du Burkina Faso qui ont promis une aide militaire au Niger en cas d'intervention, ainsi que de la Guinée qui offre un soutien diplomatique. Les promesses d'aide militaire ont abouti à la création de l'Alliance des États du Sahel (AES) comme bloc de défense mutuelle pour les trois nations dans le but de contrer une intervention éventuelle de la CEDEAO.

L'Alliance des États du Sahel ambitionne de créer une union économique et monétaire et une monnaie baptisé Sahel. Cette monnaie devrait en théorie s'appuyer sur les ressources naturelles des pays membres de la Confédération.

En février 2024, le chef du régime militaire au Niger Abdourahamane Tiani a évoqué la possible création d'une monnaie commune entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali. « La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation », selon le général nigérien Abdourahamane Tiani, en référence au franc CFA et à la France, ex-puissance coloniale. Il affirme que l'Alliance des États du Sahel, a « des experts (monétaires) et au moment opportun, nous déciderons ». Selon lui, « La monnaie c'est un signe de souveraineté » et les États de l'AES sont « engagés dans un processus de recouvrement de (leur) souveraineté totale ». Il assure qu'« il n'est plus question que nos États soient la vache à lait de la France ». La formation d'une confédération puis d'une fédération sont prévues à terme.

En mars 2024, les chefs d'état-major des trois pays annoncent la formation d'une force antiterroriste conjointe.

En mai 2024, le Burkina Faso, le Mali et le Niger finalisent à Niamey un projet de texte créant la confédération de l'Alliance des États du Sahel, qui a pour objectif de finaliser le projet relatif à l'institutionnalisation et à l'opérationnalisation de l'Alliance des États du Sahel.

L'AES quitte la CEDEAO

Le 28 janvier 2024, les pays membres de l'Alliance des États du Sahel (AES) quittent la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). L'annonce est faite conjointement au journal télévisé, sur les télévisions nationales, au Burkina par le ministre de la Communication, le porte-parole du gouvernement, au Mali par le ministre d'État, ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement et au Niger par le ministre de la jeunesse, des sports, des Arts et de la Culture, porte-parole du gouvernement.

La CEDEAO rejette totalement la décision de l'AES car celle-ci ne peut s'appliquer qu'au bout d'un an en vertu du traité de l'organisation sous-régionale. La CEDEAO se dit préoccupée par cette décision dont elle n'a pas été informée au préalable et prête à tenter une discussion pour négocier une solution.

Premier sommet de l'AES

Le premier sommet de l'Alliance des États du Sahel a lieu le 6 juillet 2024 à Niamey au Niger. Il réunit les trois chefs d'État : le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, celui du Mali, Assimi Goïta et le président nigérien, le général Tchani.

Au cours de ce sommet, un traité établissant la Confédération Alliance des États du Sahel est signé. Dans le communiqué final du premier sommet des chefs d'État de l'Alliance des États du Sahel, les chefs d'État des trois pays indiquent que le but est « une intégration plus poussée entre les États membres ». Le 3 août, Abdourahamane Tiani annonce la formation à venir d'une fédération.

Le 16 septembre 2024, Assimi Goïta annonce la création d'une Banque d'investissement commune, d'une chaîne de télévision et d'un passeport biométrique.

En novembre 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger signent un protocole d'accord sur la fin des frais d'itinérance des communications téléphoniques entres les trois pays.

Un projet de mise en place de documents de voyage passeport et carte d'identité, entre les trois pays membres de l'Alliance des États du Sahel, fait partie d'une intégration plus poussé entre les états membres de l'Alliance des États du Sahel, avant approbation du projet, par les trois chef d'état des pays membres.

Retrait de l’AES de la CEDEAO : un tournant majeur dans l’intégration régionale

Le retrait de l’Association des États Sahélo-Sahariens (AES) de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) marque un événement significatif dans la dynamique politique et économique de l’Afrique de l’Ouest. Cette décision a été annoncée lors d’une réunion récente entre les responsables des deux organisations, laissant entrevoir une reconfiguration de l'architecture régionale et une redéfinition des priorités stratégiques pour les pays concernés.

L’impact sur l’intégration régionale

Ce retrait soulève la question de l’avenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Si l’AES choisit de se positionner comme un acteur indépendant, cela pourrait fragiliser les liens économiques et politiques qui unissent historiquement la région.

Les conséquences économiques et sociales

Le retrait des pays de l'Alliance des États Sahéliens (AES) de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) entraîne des répercussions économiques et sociales majeures des deux côtés, tant pour la CEDEAO que pour les pays de l'AES eux-mêmes.

Au niveau de la CEDEAO : Un impact sur les marchés de produits clés

Les pays de l'AES, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, sont des producteurs essentiels de bétail et d'oignons pour l'ensemble de la région de la CEDEAO. Leur retrait du marché régional prive cette communauté de l'accès à ces produits vitaux. En effet, ces pays sont les principaux fournisseurs de bétail destinés à l'abattage, et de l'oignon, un produit alimentaire de base dans plusieurs pays de la sous-région.

Bétail : La CEDEAO, qui bénéficie d'un marché de plus de 300 millions de consommateurs, dépend fortement de ces exportations pour approvisionner ses marchés nationaux en viande et en produits dérivés. La perte de ces sources d'approvisionnement entraînera des pénuries, une hausse des prix et une dépendance accrue vis-à-vis d'autres pays producteurs, comme le Nigeria, le Sénégal ou le Tchad, qui pourraient ne pas être en mesure de répondre à la demande croissante.

Oignons : L'oignon produit par les pays de l'AES, particulièrement au Mali et au Niger, se retrouve sur de nombreux marchés de la CEDEAO. L'absence de ces exportations pourrait causer une flambée des prix, avec des conséquences directes sur la sécurité alimentaire des populations, notamment les plus vulnérables, qui dépendent fortement de ces produits pour leur alimentation quotidienne.

Ce retrait remet également en question la stabilité économique de la région, qui doit maintenant trouver de nouvelles sources d'approvisionnement tout en faisant face à une inflation alimentaire grandissante.

 Conséquences pour les Pays de l'AES : Nouveaux défis économiques

D'un autre côté, les pays de l'AES se retrouvent confrontés à de nouveaux défis économiques à la suite de leur retrait de la CEDEAO. Ces pays, qui étaient auparavant exemptés de certaines taxes douanières sur leurs produits destinés à la CEDEAO, devront désormais faire face à des barrières commerciales sous forme de taxes douanières. Ce changement a un double impact :

Hausse des coûts d'exportation :L'absence d'un accès préférentiel au marché de la CEDEAO rendra les produits agricoles des pays de l'AES plus chers à exporter. Ces taxes supplémentaires pourraient rendre leurs produits moins compétitifs face à ceux d'autres pays producteurs, comme le Nigeria, le Sénégal, ou le Ghana, qui pourraient désormais capter une part plus importante du marché régional.

Concurrence accrue : Les pays producteurs de bétail, comme le Nigeria et le Tchad, qui étaient jusqu’alors moins impliqués dans le commerce intra régional de la CEDEAO, guettent désormais l'opportunité de conquérir le marché laissé vacant par l'AES. Ces producteurs, qui bénéficient d'une plus grande proximité avec les marchés de la CEDEAO et d'une logistique plus développée, auront un avantage compétitif certain, réduisant encore les parts de marché des pays de l'AES.

Contrainte logistique : La problématique des exportations via voies maritimes

Un autre défi majeur pour les pays de l'AES est l'absence de ports maritimes. L'exportation de leurs produits nécessitait déjà un recours aux infrastructures portuaires de pays voisins membres de la CEDEAO, tels que le Sénégal ou la Côte d'Ivoire. Mais désormais, avec l'augmentation des taxes douanières et des obstacles logistiques, ces pays seront contraints de supporter des coûts d'exportation plus élevés. De plus, sans accès direct à la mer, ils dépendront d'un nombre limité de routes maritimes et devront négocier des accords d'exportation avec d'autres États pour accéder aux ports, ce qui pourrait encore alourdir le coût de leurs exportations.

Conséquences Sociales : Un marché intérieur détérioré

Le retrait des pays de l'AES de la CEDEAO pourrait également exacerber les problèmes sociaux internes. Avec la difficulté accrue d'écouler leurs produits à l'international et des taxes qui alourdissent les exportations, ces pays risquent de se retrouver dans une situation où leur surplus de production devient difficile à vendre sur les marchés locaux.

En effet, dans des économies où le pouvoir d'achat est déjà faible, une crise de surproduction pourrait rapidement se traduire par une chute des prix pour les producteurs locaux, sans possibilité de compensation à l'export. Dans un contexte où les infrastructures locales sont souvent limitées et où les prix des denrées alimentaires augmentent en raison des perturbations des échanges régionaux, les populations rurales, déjà vulnérables, seront les premières à souffrir de cette crise.

La libre circulation des personnes mise à l'épreuve

La CEDEAO, qui a historiquement facilité la libre circulation des citoyens de ses États membres, va désormais se retrouver confrontée à des tensions liées à l'entrée et à la sortie des ressortissants de l'AES. Parmi les impacts immédiats du retrait de l’AES de la CEDEAO, ses ressortissants vivant de l’espace CEDEAO devront désormais obtenir un visa pour entrer ou séjourner dans ces pays. Une situation qui pourrait compliquer la vie de milliers de personnes, notamment celles qui, par exemple, travaillent dans le secteur informel ou qui sont impliquées dans des activités économiques transfrontalières.

Une décision controversée

La mesure de retirer l'AES de la CEDEAO a suscité des réactions partagées au sein de la région. D’un côté, certains estiment que la CEDEAO doit se recentrer sur ses priorités économiques et sécuritaires, et soutenir les pays de l’AES dans ces moments difficiles qu’ils traversent. De l’autre, des voix s’élèvent pour dénoncer cette décision qui pourrait entraver l’intégration régionale et nuire à l’unité entre les pays de l’Afrique de l’Ouest.

L'avenir de l'intégration régionale

Bien que le retrait de l’AES de la CEDEAO s’inscrive dans un contexte géopolitique plus large, il s'agit d'une décision qui aura des répercussions profondes sur les mouvements de personnes en Afrique de l’Ouest. Pour les milliers de ressortissants AES présents en Côte d'Ivoire, au Ghana, au Benin, au Togo, au Nigeria, au Sénégal… ce tournant pourrait remettre en question des dynamiques de mobilité et de travail établies depuis plusieurs années.

Félix N'Guessan 


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