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Marina Nobout (DG de Ohel International) : Des solutions renouvelables comme les BTCs peuvent résoudre le problème de réchauffement climatique »
16 févr. 2025, 23:30

Mme Marina Nobout propose une solution innovante pour la lutte contre le rechauchement climatique

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Marina Marcialle Aké Nobout est la directrice générale de l'entreprise Ohel International, spécialisée dans la fabrication, la vente et l’utilisation de briques à base de Bloc de terre comprimé et stabilisé (BTCs). Cette ingénieure commerciale de formation, diplômée de l’école Pigier en Côte d’Ivoire, a démarré l’entrepreneuriat dès l’âge de 7 ans. Elle a vendu plusieurs produits, dont des sous-vêtements, du pain, des sandwiches, des nounours, etc., avant de se lancer en 2010, après avoir acquis de l’expérience en travaillant en entreprise, dans la construction de bâtiments écologiques. Nous l’avons rencontrée, et au cours d’une interview à bâtons rompus, elle a accepté d’ouvrir son univers à l’équipe de pressecotedivoire.ci.

Comment vous est venue l’idée de faire des bâtiments écologiques à base de Briques à base de Bloc de terre comprimé et stabilisé (BTCs) ?

Après mes études, mon école m'a trouvé un travail comme commerciale dans une régie publicitaire qui faisait des sites internet. Dans cette entreprise, il me fallait trouver trois clients par semaine. La première semaine, je suis arrivée avec cinq clients, alors que mes collègues n’arrivaient même pas à en avoir deux. J’ai tellement bien travaillé qu’au bout de trois mois, le directeur m'a nommée meilleure commerciale. Parallèlement, en plus de mon BTS, l’entreprise m’a permis de m’inscrire en cours du soir et j’ai pu faire mon cycle ingénieur, qui était financé par l'entreprise. Ensuite, j’ai été débauchée par une entreprise immobilière. Là-bas, nous faisions la gestion de location-vente de biens immobiliers. Grâce à mon dynamisme, après trois mois, je suis devenue directrice commerciale. J’ai commencé à organiser l'entreprise, à rencontrer des entreprises publicitaires pour faire de la publicité. Sur le terrain, j'ai également commencé à établir des partenariats avec des démarcheurs qui nous fournissaient des renseignements sur des maisons libres. Les clients demandaient si nous ne construisions pas de maisons. C’est là qu’il y a eu le déclic. Je me suis dit que le besoin était là : les gens ont besoin d’avoir leur propre logement. En me rappelant de mes cours de gestion commerciale, j’ai réalisé une étude de marché pour savoir quel type de maisons les Ivoiriens recherchaient. Ce qui revenait, c’était que les gens voulaient des maisons moins chères, durables, confortables et où il ne fait pas chaud. J’ai commencé à faire des recherches et je me suis rendu compte que dans les pays anglophones, la plupart des maisons étaient construites avec des BTCs. J’ai donc décidé de m’y lancer en 2010. Cela fait 15 ans aujourd’hui.

Vous vous spécialisez particulièrement dans le BTCs. Il s'agit de quoi exactement ?

Il s'agit de construire des bâtiments à base de terre. C'est de la latérite.

Et qu’est-ce qu’on appelle la latérite ?

Dans la terre, il y a la première couche qu'on appelle la terre végétale, qui permet de faire pousser les aliments. C'est de la terre noire. Puis, à 0,5 mètre, on trouve la terre rouge avec de l'argile. Il y a des endroits où il y a plus d'argile que de sable, et d'autres où l'argile est mélangée au sable. C’est cette partie qu’on appelle la latérite. On y trouve 65 % d'argile et 35 % de sable. C’est cette matière qui nous intéresse.

Quelles sont les régions en Côte d’Ivoire où l’on trouve cette matière ?

On en trouve partout en Côte d'Ivoire, c'est sous la terre. Quand on prend l'autoroute du Nord, au niveau du village d’Attinguié, il y en a à profusion. Même lorsqu’on passe sur la nouvelle autoroute Y4, on en trouve à gauche et à droite. La dernière fois, je suis allée à Bouaké et à Bonoua, où il y a de la bonne terre. En plus, elle se régénère. Donc c'est une matière qui est vraiment locale et écologique.

Dans la pratique, comment ça se passe jusqu’à la production des BTCs ?

La première chose que nous faisons, c'est choisir la terre. Quand la terre est identifiée, nous la transportons sur le site. Nous tamisons pour enlever tous les agrégats et recueillir la bonne terre. Ensuite, nous mélangeons avec du sable pour obtenir le bon dosage et ajoutons 10 % de ciment. Tout ce mélange est acheminé dans une machine hydraulique qui va compresser.

Quelle est la différence entre le BTCs et le Géo-Béton ?

Le BTCs est comprimé à 100 MPa (compression d’air haute pression) par une machine hydraulique. Le géo-béton utilise la même matière, mais est comprimé manuellement. Vous comprenez donc que la force d'une machine est différente de la force manuelle.

Quels sont les avantages de construire des logements avec cette matière ?

Lorsque vous construisez des maisons avec cette matière, le premier avantage est la bonne régulation thermique. Il ne fait pas chaud. De plus, le coût est réduit. Il y a une réduction de 30 % sur les gros œuvres. Pour une maison réalisée avec du ciment ordinaire qui coûte 10 millions, en BTCs, la même maison coûtera 7 millions 500 mille francs, avec beaucoup plus de confort.

Depuis 15 ans que vous êtes sur le marché, quelles ont été vos réalisations ?

Nous avons réalisé de nombreux projets, notamment des écoles, des pharmacies, des hôpitaux, etc. Des conseils régionaux, des organisations internationales et des organismes de lutte contre le changement climatique nous sollicitent pour leurs projets.

Dernièrement, dans nos recherches, nous nous sommes rendu compte que vous avez beaucoup travaillé dans la ville de Mayo, dans le département de Soubré. Quel a été votre apport dans cette ville ?

À Mayo, le premier avantage que nous avons eu est que le ministre Alain Donwahi (ancien ministre des Eaux et Forêts et actuel président de la COP 15) connaissait des maisons en géo-béton, car son père avait construit en géo-béton à Assinie et à Soubré. Il y avait un hôtel en géo-béton. Il a donc vu des maisons en terre que nous avons réalisées pour des logements sociaux à l'entrée de Soubré. J'avais déjà vu son conseil pour leur parler des maisons en BTCs. Quand la maison a été terminée et que nous avons fait l'inauguration, il m’a fait appeler pour travailler sur certains projets. C'est comme ça qu'il m’a commandé l'hôtel. Donc il a vu des maisons en terre que nous avons réalisées au profit des logements sociaux à l'entrée de Soubré. Moi j'avais déjà vu son conseil pour leur parler des maisons en BTCs. Donc quand la maison est terminée et qu'on a fait l'inauguration, il m’a fait appeler pour travailler sur certains projets. C'est comme ça qu'il m'a commandé l'hôtel. Etant le président du conseil régional. Il nous a permis de participer aux appels d'offre. Nous avons donc eu à réaliser certaines écoles, des logements des instituteurs, des logements des infirmiers. Et puis avec son épouse qui était le maire de Mayo, on a fait l’école maternelle et l'école primaire. Cette ville-là est considérée aujourd'hui comme une des villes vertes de Côte d’Ivoire. Elle a reçu le prix de la meilleure commune et de l'aménagement vert salon des collectivités territoriales.

Pour vous, comment le BTCs peut contribuer à la lutte contre changement climatique?

Des solutions renouvelables comme le BTCs peuvent résoudre le problème de réchauffement climatique si nos autorités comprennent vraiment leur utilité. Et je pense que les premiers responsables ont une oreille tournée vers ces solutions. La preuve, le ministère de la construction nous met à disposition 10 hectares à Jacqueville pour faire une cité écologique en BTCs. Voilà un peu des actions qui sont menées par l'État pour nous aider à contribuer à la lutte. Depuis la COP 21 à Paris où le président s'est engagé dans la lutte contre le changement climatique, il n'a pas cessé de mener des actions. A la COP 15 organisée ici, nous avons vu beaucoup de parties prenantes qui ont plus ou moins sensibilisé à la lutte contre le réchauffement climatique. Il a même défiscalisé l'import-l'export du matériel de l'énergie solaire. Donc c'est tout ça pour encourager les Ivoiriens à se tourner vers ces solutions.

Quels sont vos rapports avec les autres opérateurs immobiliers?

J'ai été choisie pour être secrétaire chargée du développement durable à la chambre des promoteurs agrées immobiliers. Donc parmi nous, ceux qui ont des projets qui nécessitent des apports en BTCs nous sollicitent. Je prends par exemple le vice-président Yamoussa Coulibaly de Chim-inter qui a en projet de faire plusieurs cités. Il nous a contactés pour construire pour lui.

Quelles dispositions mettez-vous en place pour permettre à vos confrères de suivre vos traces ?

Je suis aussi présidente du Green Cluster, qui est l'association des entreprises vertes du Côte d'Ivoire. Je suis également la vice-présidente de la Fédération des associations des entreprises en efficacité énergétique, en action climat et en énergie renouvelable (FIACEC). Et je suis la fondatrice de Green Building Fondation. Toutes ces organisations permettent de faire la promotion des solutions renouvelables afin de permettre une réelle  transition écologique.

Comment faites-vous pour pérenniser votre trouvaille?

Déjà, Aujourd’hui, j’embauche 42 personnes, y compris le personnel administratif. Le reste, ce sont des journaliers. Je forme des jeunes depuis que j'ai commencé. Quand j'emmène la machine dans une localité, à part le machiniste, toutes les autres personnes qui produisent, sont des personnes que je prends sur place. Donc, je les forme, c'est maintenant que je suis en train de formaliser les choses, en leur donnant des certificats. Je suis en train de labelliser aussi le BTCs pour donner plus de poids à cette matière. J'ai pour ambition de faire une académie des métiers verts pour continuer de former les jeunes. Mais aussi le personnel des autres opérateurs immobiliers pour pouvoir justement leur permettre aussi de bien réaliser leurs cités. J'ai fait même une association des professionnels du BTCs pour qu'on puisse se parler, harmoniser nos prix, nos plans, la manière de faire. Pour ne pas que le BTCs connaisse le même sort que le géo-béton. Le géo-béton en la matière n'est pas mauvais. Mais comme tout le monde est rentrée dedans et chacun a fait comme il voulait sans respecter le droit, le géo-béton a été rejeté.

Quels sont les conseils que vous pouvez donner à des jeunes qui veulent suivre vos traces?

Le premier conseil que je voudrais donner, c'est de dire déjà à la jeunesse qu'elle doit pouvoir oser et savoir oser. Ne pas attendre d'avoir beaucoup d'argent pour pouvoir entreprendre. On peut aller de zéro, devenir quelqu'un. Quand vous voyez, mon expérience à moi, je n'avais pas les machines de production, ni le personnel, ni le local. Au fur et à mesure, je me suis équipée. D'abord, la première des choses, je croyais en moi et je croyais en Dieu. Il faut pouvoir s'appuyer sur quelqu'un et croire en quelque chose dans la vie. Moi j'ai choisi de croire en Dieu et je le fais bien.

 

Réalisée par Solange ARALAMON

 

 

Encadré : De la nécessité de migrer vers le « Vert »

Avec beaucoup d’audace, Marina Marcialle Aké Nobout, la directrice générale de l'entreprise Ohel International est en train de positionner le BTCs comme l’une des matières premières, incontournable dans le secteur de la construction et du bâtiment en Côte d’Ivoire.

Une matière qui, contrairement aux matériaux de construction traditionnels, en plus d’être disponible dans toutes les régions du pays, réduit l'empreinte carbone. Outre leur aspect environnemental, les briques de terre compressée ou BTCs offrent également des avantages fonctionnels remarquables. Elles sont durables et économiques et leur processus de fabrication qui repose sur la compression de terre crue, en fait un choix écologique et durable. De plus, leurs propriétés isolantes thermiques et acoustiques répondent parfaitement aux exigences de confort des clients.

Ces briques offrent aussi une excellente résistance aux intempéries, à la corrosion et aux chocs, garantissant ainsi une longue durée de vie aux bâtiments construits avec ce matériau. Les BTCs, se révèlent aujourd’hui comme une solution novatrice et prometteuse pour l’avenir de l’immobilier. Choisir les BTCs comme matériau de construction apporte une valeur ajoutée indéniable pour le secteur de l’immobilier en Côte d’Ivoire.

Outre les opérateurs immobiliers, l’Etat gagnerait donc à soutenir et à promouvoir cette matière dans sa transition vers des politiques environnementales plus vertes.

Solange ARALAMON


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