Plus grave, un membre du Gouvernement a tenu des propos, somme toute blâmables, dans lesquels il dénie à Tidjane Thiam, sa nationalité ivoirienne en évoquant ses origines étrangères de par ses parents. Il n’en fallait pas plus pour susciter une avalanche de réactions au sein de l’ancien parti unique où certains réclament la tête de ce ministre de la République. Mais à y voir de près, ce qui arrive à Tidjane Thiam et au PDCIRDA, n’est ni plus, ni moins que la mise en œuvre de la loi du Karma, propre aux sociétés orientales. La loi du Karma est le dogme central de l’hindouisme et du bouddhisme selon lequel la destinée d’un être vivant et conscient, est déterminée par la totalité de ses actions passées, de ses vies antérieures. En d’autres termes, toutes les actions positives ou négatives effectuées par un être vivant conscient en entraînent d'autres de même nature. C’est donc une loi de cause à effet, qui se base sur l'adage populaire « on récolte ce que l'on sème ». En Côte d’Ivoire, l’on a encore en mémoire que c’est le régime du PDCI-RDA qui a conceptualisé et mis en œuvre le concept de l’ivoirité ayant sérieusement fragilisé l’unité nationale et la cohésion sociale.
Entre 1994 et 1999, où ce concept faisait fureur, aucune voix au sein du PDCIRDA, y compris Tidjane Thiam qui était le tout puissant ministre du Plan et de la planification du développement, n’a osé levé le bout du doigt pour alerter d’un éventuel retour du bâton, dans la mesure où dans ce pays, tout le monde vient de quelque part. Aujourd’hui, le Karma ne s’applique pas uniquement aux Thiam, mais à la machine politique PDCIRDA qui a conceptualisé cette notion, la base de tous les problèmes en Côte d’Ivoire. Le drame dans l’affaire, c’est que tous ceux qui sont aujourd’hui victimes de ce concept, ont préféré garder le silence face à une ségrégation sociale qui ne disait pas son nom en Côte d’Ivoire. On dénombrait des « Ivoiriens de circonstance, des Ivoiriens de souche multiséculaire ». Pendant cette période triomphante de l’ivoirité, ceux qui étaient aux affaires pensaient que l’enfer, c’était effectivement les autres. Voilà que l’histoire les rattrape. Fort heureusement, Alassane Ouattara qui était visé par ce concept inique, en avait fait son cheval de bataille avec son parti politique, le RDR. Aujourd’hui, la bataille a porté ses fruits. Une fois au pouvoir, sous l’impulsion du président Alassane Ouattara, une loi contre le tribalisme et la xénophobie été votée à l’Assemblée nationale.
C’est pourquoi, tout propos de nature tribaliste et xénophobe doit être blâmé sous toutes ses formes. Le ministre délégué aux Affaires maritimes et portuaires a certes, fait une sortie de route sur la question de la nationalité de Tidjane Thiam, mais il ne faut pas non plus avoir une indignation sélective et à géométrie variable. Hier, Lida Kouassi Moïse avait tenu ces mêmes propos, en soutenant qu’un Kouyaté n’est pas ivoirien et ne doit pas être député à Lakota, encore moins à Minignan. Le Pr Alphonse Djédjé Mady avait embouché la même trompette du tribalisme, en qualifiant ses adversaires du RHDP « d’étrangers à la recherche de leur identité, prédateurs de terre des autochtones ». Dans le même sillage des élections locales de septembre 2023, Augustin Thiam, l’aîné de Tidjane Thiam, s’est fait le héraut des thèses tribalistes au mépris des règles de bienséance dues à son rang de chef traditionnel. Suite à tous ces propos, il n’y a eu aucune condamnation de la part du PDCI-RDA et de ceux qui se jouent aujourd’hui les censeurs de la République. Aujourd’hui où c’est le potentiel candidat du PDCIRDA qui est dans le viseur de l’ivoirité, c’est le tollé généralisé de la part des mêmes acteurs qui se sont tus hier, quand Alassane Ouattara et les cadres de son parti étaient ostracisés par ce même concept. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut éviter d’avoir une indignation sélective ou à géométrie variable devant une injustice, parce que l’on finit toujours par être rattrapé par la loi du Karma
Bernard KRA
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