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Bicéphalisme à la chefferie d’Ahoué : le chef Yathé dit sa vérité et appelle sa population à le rejoindre
27 févr. 2025, 10:15

Le chef légal et légitime d'Ahoué Pacôme Yathé appelle de tous ses vœux à la cohésion

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Désigné chef du village d’Ahoué, situé à environ sept kilomètres de la commune d’Abobo (Abidjan), conformément aux us et coutumes de ce village, par la génération M'Bréchoué, Pacôme Yathé se trouve aujourd’hui en conflit avec une partie de sa population, notamment la génération Mounan, qui a décidé de le destituer et de nommer un autre chef à sa guise. Une situation inédite qui engendre un bicéphalisme à la tête de ce village, qui aspire pourtant à vivre en paix et à booster son développement.

Pour en savoir davantage sur cette histoire qui pourrait, si elle n’est pas maîtrisée, nuire à la cohésion sociale, une équipe de pressecotedivoire.ci s’est rendue, dimanche 23 février 2025, au Palais d’Ahoué où la chefferie, légalement et légitimement reconnue par les autorités, attendait pour livrer sa version des faits. En présence du sous-chef, des notables et des chefs de génération, le chef Yathé, médecin de profession, n’a pas manqué de rappeler : « J’ai été désigné en décembre 2018 et j’ai pris fonction en mars 2019. C’est en juin 2019 que j’ai reçu mon arrêté de nomination signé par le préfet Vincent Toh Bi, alors préfet d’Abidjan ». Il ajoute : « Nous avons fonctionné en parfaite harmonie depuis 2019, jusqu’à ce que des crises commencent à éclater. »

 

Les origines de la crise

Tout commence par la contestation de la désignation du sous-chef ou chef résident par les Mounan, la génération au pouvoir. Le chef d'Ahoué précise que ce sont les M'Bréchoué, filleuls des Mounan qui, après concertation, ont désigné un chef parmi les membres de la génération Mounan, qu’ils ont ensuite présenté au chef de la génération Mounan. Ce dernier, explique-t-il, peut faire des observations, mais il n’a pas un pouvoir réel pour récuser ce choix, puisque, selon la tradition, ce sont les MM'Bréchoué qui, seuls, sont habilités à désigner le chef et son sous-chef.

« Nous avons donc fonctionné normalement jusqu’à ce qu’on change mon premier sous-chef, M. Anassin Yapi Xavier. Il y a eu quelques échauffourées entre la génération Mounan et moi, mais tout est rentré dans l’ordre. Un autre sous-chef a été désigné, mais il y a eu encore un changement. Il fallait désigner un troisième sous-chef. C’est alors que les Bléssoué se sont à nouveau réunis et ont désigné M. Aké Valéry, ici présent, comme sous-chef. Ils l’ont proposé comme d’habitude au chef de la génération Mounan. Mais cette fois-ci, au lieu de restreindre la réunion aux responsables de la génération M'Bréchoué et au porte-canne principal, le chef de la génération Mounan a élargi la réunion à tous les responsables Mounan, ce qui ne se fait pas. Parmi eux, certains ont rejeté le choix de M. Aké Valéry », explique M. Yathé.

Toujours dans l’optique de trouver un sous-chef, poursuit le médecin-chef de village, les M'Bréchoué ont proposé un autre candidat qui a aussi été rejeté. « Voyant leur droit de désignation du sous-chef leur être retiré, ils ont pris leurs responsabilités et publié le choix qu’ils ont fait, celui de M. Aké Valéry. C’est alors que le chef de la génération Mounan, qui est par ailleurs préfet de Kouto, a décidé de suspendre le chef de la génération M'Bréchoué. C’était du jamais vu ici à Ahoué qu’un chef de génération suspende son collègue chef de génération. »

 

La médiation du sous-préfet de Brofodoumé 

Le sous-préfet de Brofodoumé, M. Mohamed Dosso, ne voulant pas laisser la situation empirer, entreprend une médiation. Il demande que le chef de la génération M'Bréchoué soit rétabli dans ses fonctions pour ramener la paix dans le village. Des assurances sont données de part et d’autre. De retour au village, les M'Bréchoué présentent leurs excuses publiquement à la génération Mounan, les considérant comme leurs aînés et leurs patrons. Ils ont même constitué une délégation pour rencontrer les Mounan, qui leur ont demandé de se retirer et qu’ils allaient réfléchir à la situation.

« C’était sans compter avec les intentions voilées qu’ils avaient. C’est ainsi qu’on apprend qu’au lieu de les appeler pour écouter la délégation qui allait venir, ils (les Mounan) avaient programmé la destitution du chef de la délégation M'Bréchoué, Paulin Mondon », explique le chef ajoutant que dès qu'il a appris cette information la veille, il est entré en négociation avec le chef de la génération Mounan pour lui faire comprendre que l’acte qu'ils veulent poser peut provoquer des troubles dans le village. Sous prétexte que ces décisions de destitution ont été prises en présence du doyen d’âge, aujourd’hui décédé, le chef des Mounan répond qu'il ne peut pas revenir sur ces engagements, faute de quoi, il risquait de subir un malheur.

 

La suite des événements

La plaidoirie du chef du village n’a certainement pas convaincu les Mounan puisque le 6 mai, la génération Mounan proclame la destitution de Paulin Mondon et de ses six porte-cannes. Un nouveau chef de la génération Bléssoué est désigné. Pour le chef du village, à travers cet acte, les Mounan, bien que reconnaissant le pouvoir des M'Bréchoué de désigner un chef, ont cherché à manipuler les événements en leur faveur.

 

La vague de destitutions et la contestation de l'autorité légale

Quelque temps plus tard, les Mounan qui semblent avoir décidé de faire le vide autour du chef Yathé afin de le cueillir comme un fruit mûr s’attaquent au responsable du foncier, une structure indépendante de la génération. Ils le destituent et nomment un autre responsable. Et ce que M. Yathé craignait arrive : le feu aux poudres. La situation dégénère avec des violences physiques. Un commissaire de justice (un huissier) est dépêché sur les lieux pour constater les faits. Le chef convoque alors une réunion publique pour informer la population de la situation. Mais les Mounan n’apprécient pas cette démarche, estimant que le chef a désavoué publiquement leur autorité.

Le 2 juin 2024, le fruit étant peut-être mûr, la génération Mounan décide de désigner un nouveau chef du village, Maurice Amonsan Bakary. La cérémonie d'intronisation de ce nouveau chef qui enjambe toutes les lois de la République et froisse les us et coutumes est interrompue par l’intervention des autorités qui ont dépêché la gendarmerie pour disperser les participants.

 

Le préfet d’Abidjan prend le dossier en main

Une nouvelle médiation a lieu avec le préfet d’Abidjan, préfet hors-grade Andjou Koua. Après avoir entendu les deux parties, il déclare que seul le chef Pacôme Yathé, détenteur de l’arrêté, est reconnu comme chef. Il ajoute que toute tentative de destitution ne peut avoir lieu qu’en cas de faute grave, et demande aux Mounan de réunir des preuves de leurs accusations s’ils tiennent à destituer le chef du village.

 

Les accusations contre le chef Yathé 

Les deux parties se retirent. Et lorsqu'elles ont réussi à réunir les preuves de chaque côté, elles se retrouvent à nouveau devant le préfet. Et là, le chef Yathé est accusé de détournement, d’avoir vendu 1000 lots, de mettre un titre foncier sur une parcelle qu’ils (Mounan) souhaitaient vendre, ainsi que de la disparition de véhicules de la chefferie. Il est également accusé de manquer de respect aux aînés. Il réfute ces accusations qu'il considère comme infondées.

Pour les lots en question, explique-t-il, ce sont des estimations faites par son prédécesseur. Il assure que les lots sont en l’état et que ses détracteurs peuvent aller sur le terrain pour vérification. Les véhicules dits disparus sont pourtant bien visibles au garage, ajoute-t-il.

Pour ce qui est du manque de respect aux aînés, le chef assure mettre quiconque au défi de lui prouver une seule situation où il a eu à désobéir à un aîné. « La seule fois où le préfet (chef de la génération Mounan) et moi avons eu des prises de bec, c’est le jour où il a décidé de destituer mon responsable foncier. Je lui ai fait savoir qu’il n’en avait pas le droit. Après ça, toutes les fois qu’il m’a convoqué chez lui, quoique je suis le chef du village, j’ai toujours répondu présent. Moi, je ne l’ai jamais convoqué. Lui, il me convoque et je vais. Des villageois même s’en plaignent mais je dis, laissez ça ».  

Il souligne que, jusqu’au 2 juin, il n’avait jamais été accusé de vol ou d’abus. Ces accusations ont émergé soudainement après la destitution de Paulin Mondon. Selon le chef, ces accusations sont une tentative de manipulation de la part de ceux qui n’ont jamais voulu qu’il soit chef.

 

L’appel à la réconciliation

Dans son appel à la population, le chef Yathé demande à ses partisans de rester calmes et de ne pas céder à la violence ou à la provocation. Dans le même temps, il invite ceux qui soutiennent la destitution à reconnaître leur erreur et à revenir à la raison pour le bien du village. Il insiste sur le fait que seul le développement du village compte et que la division ne fait que nuire à cette cause. « Je suis un homme de paix, je n’aime pas la violence. Je fais appel à la réconciliation, car nous ne gagnerons rien dans la division », conclut-il.

Lambert KOUAME

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