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Logements sociaux promis par l’Etat de Côte d’Ivoire : toute la vérité
Hier, 07:33

Le gouvernement ivoirien continue de livrer des logements sociaux et économiques aux acquéreurs qui ont gardé l'espoir

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Le Premier ministre ivoirien, Robert Beugré Mambé, a procédé à la remise officielle des clés de 1072 logements socio-économiques aux souscripteurs de la cité Addoha de Locodjro dans la commune d’Attécoubé, le jeudi 23 mars 2025. Avant cette étape, 1302 logements sociaux et économiques ont été réceptionnés à Bingerville par des souscripteurs. Ces cérémonies se situent dans le cadre d’un vaste programme lancé par le gouvernement ivoirien, visant à offrir des logements accessibles à toutes les catégories socio-économiques. Si ce Programme présidentiel de construction de logements sociaux et économiques a permis, selon le gouvernement, la construction de 40 000 logements, tout ne s’est pas passé comme promis. Pressecotedivoire.ci vous raconte tout.

Invité de la 2ᵉ édition de « La Matinale du Bâtir », une tribune d'échanges organisée par la Direction de la communication et des relations publiques (DCRP) du ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme (MCLU), le directeur général du Logement et du Cadre de Vie, Célestin Koalla, a réaffirmé, mercredi 26 mars 2025, à la Maison de la Presse d’Abidjan, la volonté du ministère et du gouvernement de loger les populations à faibles revenus. « Nous ambitionnons de loger tous les Ivoiriens qui évoluent dans le secteur informel », assure le bras droit du ministre Bruno Koné, face à la presse.

Cette promesse de construire un toit pour chaque Ivoirien, véritable serpent de mer, a du mal à se réaliser. Elle représente même un boulet que le gouvernement traîne au pied. C’est qu’en 2012 déjà, l’Etat lance, à travers le Centre de facilitation des formalités d’accès au logement (CEFFAL), l'opération de pré-inscription ou de commercialisation des logements sociaux au profit des Ivoiriens. Cette opération prévoit de produire 60 000 logements, avec 10 000 à l'intérieur du pays et 50 000 dans l'agglomération d'Abidjan (Songon Kassemblé, Bingerville et route de Grand-Bassam) avant 2015. Les besoins en logements sociaux étant estimés à 400 000 à cette période.

Le ministre de la Construction, du Logement, de l'Assainissement et de l'Urbanisme, d’alors, Mamadou Sanogo, annonce sur le portail web du gouvernement ivoirien, à la date du 26 mars 2013, que les frais d'ouverture de dossier qui s'élèvent à 30 000 Fcfa, doivent être versés par les intéressés sur l'un des comptes séquestres de la SICOGI (société concessionnaire pour la pré-commercialisation) logés dans des banques ivoiriennes.

Le prix du logement social est compris entre 5 et 10 millions de Fcfa. Celui du logement économique, varie entre 10 et 15 millions de Fcfa. Les critères d'éligibilité se déclinent en 6 points. Il faut être de nationalité ivoirienne, le revenu mensuel de l'acquéreur ou celui de son ménage (Monsieur et madame) ne doit pas dépasser 400 000 Fcfa. Il faut ne pas être propriétaire ou co-propriétaire d'un logement en Côte d'Ivoire auparavant.

Aussi, le demandeur doit être salarié du secteur public ou privé, ou exercer une profession libérale du secteur formel ou informel à revenus réguliers ou irréguliers. Il doit disposer d'un compte bancaire et d'un compte contribuable, et aussi être à jour de ses impôts. Le ministre Mamadou Sanogo rassure que les partenaires techniques et financiers, à savoir les opérateurs immobiliers, les bureaux d'études (géomètres, urbanistes, architectes), les aménageurs fonciers, les notaires et les banquiers s’engageraient pour la réalisation des logements dans les meilleurs délais. Il rappelle que le rythme et la cadence de construction de ces logements partout en Côte d'Ivoire dépendront de certains facteurs tels que la qualité des souscripteurs, la bonne manifestation des besoins sur les fiches et la bonne information sur les capacités financières réelles.

Après toutes ces dispositions prises, des terrains sont effectivement cédés aux opérateurs immobiliers dans les zones sus-citées pour permettre à ces derniers de sortir rapidement les premières maisons. Les opérateurs immobiliers se sont effectivement mis à la tâche pour remplir leurs parts de contrat non sans rencontrer de réelles difficultés.

Le premier couac intervient quand des propriétaires terriens sortent de leur silence pour dénoncer une situation qui met mal à l’aise tous les acteurs. Le jeudi 23 avril 2015, dans les colonnes d’un quotidien de la place, le Collectif des propriétaires terriens du village de Songon Kassemblé décide d’empêcher la poursuite des travaux du projet de logements sociaux.

« Depuis juillet 2013, nous avons signé une convention avec l’Etat de Côte d’Ivoire par le biais du ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, dans le cadre du projet des logements sociaux du président de la République. Nous avons cédé par rapport à ce projet 439 hectares 27 ares 75 centiares. Six (6) mois après la signature de la convention, l’Etat de Côte d’Ivoire nous a versé 40% de ce qu’il nous devait. Il nous a signifié qu’il allait nous verser par la suite 30% tous les trois (3) mois. Sur cette base, l’Etat aurait dû purger les droits coutumiers au bout d’un (1) an. Il faut également préciser que la valeur de cet espace est de 8 795 550 000 F.CFA à raison de 2 000 FCFA le mètre carré, un prix fixé par l’Etat lui-même et qui a fait l’objet d’un décret », explique le Collectif des propriétaires terriens.

« D’autre part, Songon Kassemblé est un village “Ebrié’’ habité par des populations pratiquant la culture de l’hévéa. Toutes leurs plantations ont été détruites pour abriter les logements sociaux, suite à une expertise du ministère de l’Agriculture commise par le ministère de la Construction. Et le montant de 1 800 000 000 F.CFA environ a été arrêté pour l’indemnisation des propriétaires de ces plantations détruites. Depuis juillet 2013 jusqu’à ce jour, c’est-à-dire en deux ans pratiquement, nous n’avons perçu que 1 772 045 435 F.CFA (soit 20,17%) sur le montant total des 8 795 550 000 F.CFA. Le dernier montant que nous avons perçu au mois de novembre 2014 est de 400 millions de FC.CFA. Pourtant, la convention prévoyait que la purge se fasse sur un (1) an. Nous sommes actuellement à près de deux (2) ans de sa signature », expose le secrétaire général de ce collectif, M. Abbey Aké.

Dans la foulée, le président du collectif confie également que face aux difficultés rencontrées par le ministère de la Construction pour indemniser les propriétaires des plantations détruites, le Collectif a accepté librement de prêter 30% de ses avoirs aux propriétaires des plantations détruites à chaque paiement. « Nous l’avons fait dans un souci d’apaisement en attendant que l’Etat trouve les voies et moyens pour pouvoir les indemniser », précise-t-il.

 Au dire du propriétaire terrien de Songon Kassemblé, tous ces faits ont eu lieu au moment où la convention était caduque. Mais, ajoute-t-il, pendant que la convention était d’actualité, les membres du Collectif ont accepté délibérément, sur proposition du ministère de la Construction, de céder 30% (soit 2 638 665 000 F.CFA) de leurs avoirs pour acquérir eux-mêmes des maisons sur le site. Une somme que, selon lui, l’Etat doit les aider à verser auprès des promoteurs immobiliers.

Après cet appel du pied de M. Abbey Aké, la réaction du ministère de la Construction ne s’est pas fait attendre. Le Directeur en charge des logements sociaux au ministère de la Construction, Méfoua Traoré, monte au créneau et dénonce les agissements de ce collectif. Le ministre de la Construction se rend en personne à Songon Kassemblé, le vendredi 24 avril 2015. Il encourage les promoteurs pour la naissance de « cette ville nouvelle » et recommande « la construction dans les normes même s'il y a une pression de la clientèle ». Il en profite, ce jour-là, pour dire que le compte séquestre dispose d'environ 28 milliards de FCFA, preuve de l'adhésion des Ivoiriens à ce programme de logements.

De l’espoir à la désillusion

Sauf que quelques années plus tard, la désillusion commence à gagner les acquéreurs car aucune livraison de logements ne pointe à l’horizon. Travaux de voiries au ralenti, sites bloqués par les communautés villageoises pour purge des droits coutumiers non épurée, promoteurs immobiliers financièrement épuisés… Toutes ces difficultés plombent l’avancement du programme de construction de logements sociaux et économiques. L’Etat, les partenaires techniques et financiers se rejettent mutuellement la responsabilité du blocage dans l’avancement des travaux de construction.

Devant ce blocage réel, les opérateurs immobiliers consentent de construire les logements à leurs propres frais. De son côté, l’Etat peine à mettre en place les Voiries et réseaux divers (VRD) primaires, c’est-à-dire l’amenée d’eau, l’électricité, le bitumage, la construction des caniveaux et des grandes voies structurantes sur les différents sites. Puis en 2017, dans le but de relancer la machine grippée sur tous les sites, le nouveau ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, Claude Isaac Dé, qui a remplacé entre temps Mamadou Sanogo, fait savoir que l’Etat a dégagé 9 milliards FCFA en vue de l’achèvement des travaux de VRD.

Malgré cette contribution somme toute importante, les opérateurs immobiliers estiment que ce n’est pas suffisant pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements, s’ils doivent céder des maisons à 4,5 millions ou à 7 millions de FCFA. Selon eux, l’État doit prendre en compte les travaux non seulement des voies principales des sites, mais aussi des voies secondaires. Ils souhaitent aussi le soutien des banquiers qui ont du mal à financer leurs opérations. Ainsi, en 2017, 4.000 logements ont pu être livrés.
 
L’État reprend la main
 
4000 logements sur 60.000 attendus, c’est trop peu. L’État décide alors de reprendre complètement la main sur un nouveau programme qui vise la construction de 150.000 logements sur la période 2016-2020. Pour y arriver, le gouvernement revoit à la hausse le prix unitaire de vente des logements à caractère économique à 23 millions FCFA hors taxe, et celui des logements à caractère social à 12,5 millions FCFA hors taxe. Ce qui, évidemment, fait grincer les dents des souscripteurs. «Je fais partie de ceux qui ont payé les 30.000F. J'ai dû arrêter de suivre le programme à cause du prix du logement qui m'était proposé à l'époque : 21.000.000Fcfa, alors qu’au départ, il était prévu de l’acquérir à moins de 10 millions. Je connais aussi quelqu’un qui se plaignait la dernière fois sur la route de Bassam parce que le logement était vendu finalement à 25 millions de FCFA », nous confie un ancien souscripteur qui préfère se retirer du programme gouvernemental d’acquisition de logement.

Au cours du Conseil des ministres du 14 décembre 2017, un certain nombre de mesures urgentes sont prises. Le gouvernement entend ainsi mobiliser des ressources pour la purge totale des droits coutumiers et la relance des travaux des VRD. L’État demande aussi que les opérateurs immobiliers n’ayant pas une bonne assise financière cèdent le pas à ceux qui ont la confiance des banquiers parce que leur surface financière est importante. Toute chose qui pouvait permettre la poursuite effective des travaux.

Depuis lors, de nouvelles opportunités sont offertes aux personnes désireuses d’acquérir un toit. Malgré tout.

Solange ARALAMON

 
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