Présidentielle 2025 : Le REPPRELCI forme des journalistes contre la désinformation et les discours de haine
Formateurs et participants, tous unis pour lutter contre la désinformation et les discours de haine
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À l’initiative du Réseau des professionnels de la presse en ligne de Côte d’Ivoire (REPPRELCI), avec l’appui technique et financier de l’UNESCO pour l'Afrique de l'Ouest et de l’Agence de soutien et de developpement des médias (ASDM), quelque 30 journalistes venus d’Abidjan et de Bouaké se sont retrouvés dans un complexe hôtelier à Bouaké, capitale du Gbêkê, du 9 au 11 mai 2025, afin de renforcer leurs capacités dans la lutte contre la désinformation électorale et les discours de haine.
Cet atelier, organisé dans le cadre du projet Lutte Unie Contre l’Intox et la Désinformation Électorale (LUCIDE), s’inscrit en prélude à l’élection présidentielle d’octobre 2025, marquée par une recrudescence de fausses informations et de discours de haine, qui menacent la cohésion sociale et la stabilité démocratique. Il vise à outiller les journalistes sur les techniques de fact-checking, la prévention des discours haineux et la promotion d’une couverture électorale apaisée.
Le coordonnateur du projet, Traoré Mamadou, également vice-président du REPPRELCI, a souligné que, dans le contexte de la présidentielle à venir, les médias en ligne ont une responsabilité accrue : « Celle d’informer de manière professionnelle, rigoureuse et éthique, dans un environnement marqué par des risques de manipulation, de fake news et de discours de haine. »
À travers cet atelier, « nous voulons outiller la presse en ligne non pas pour qu’elle soit un amplificateur de tensions, mais pour qu’elle joue pleinement son rôle d’acteur de cohésion sociale et de transparence électorale », a-t-il affirmé à l’ouverture des travaux.
Lucine Houédanou met en garde contre les dérives médiatiques
Lucine Houédanou, journaliste formateur et président du Cénacle des journalistes séniors de Côte d’Ivoire, est intervenu sur les 12 points de vigilance dans la couverture des discours de campagne électorale. Il a attiré l’attention des participants sur leur responsabilité : ce qu’ils publient ou diffusent en ligne laisse des traces et peut les rattraper.
Il a mis en garde contre le risque pour les journalistes de devenir « les haut-parleurs » des hommes politiques. « À chaque élection, les passions se déchaînent. Il faut outiller les journalistes pour qu’ils ne deviennent pas les vecteurs de propos haineux ou clivants. Le journaliste a une grande responsabilité : lorsqu’il couvre un meeting, le militant parle à un cercle restreint, mais quand le journaliste tend le micro ou utilise sa plume, il donne une résonance bien plus large aux propos tenus, ce qui peut amplifier une crise », a-t-il expliqué.
Même si le métier exige de rapporter fidèlement les propos, ceux qui relèvent de la haine doivent être contextualisés, a-t-il insisté : le journaliste doit identifier clairement l’auteur tout en prenant soin de se démarquer et, le cas échéant, de condamner de tels propos.
Lucine Houédanou a rappelé que lors des différentes crises traversées par la Côte d’Ivoire, les médias ont souvent été pointés du doigt pour avoir contribué à l’aggravation des tensions. C’est pourquoi il a présenté 12 types de dérives à éviter : injures et irrévérences, propos ethniques ou stéréotypés, préjugés et intolérances, expressions incendiaires, jurons et grossièretés, insultes sexistes, allégations non fondées ou diffamations.
Il a mis en garde : « Dans des pays comme le Rwanda, des journalistes ont été jugés et condamnés à de lourdes peines, parfois à perpétuité, pour avoir diffusé des propos qui ont contribué à attiser la haine jusqu’au génocide. »
Zio Moussa : attention aux discours de haine déguisés
De son côté, Zio Moussa, président de l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (OLPED), s’est exprimé sur le thème « Identifier et prévenir les discours de haine en période électorale ». Il a exhorté les journalistes à être vigilants au quotidien face aux discours haineux, parfois exprimés de manière subtile.
« Ce type de discours peut avoir des conséquences graves : conflits, guerres, voire génocides », a-t-il souligné. Il a également précisé que tout le monde — du simple citoyen au politique, en passant par les journalistes — peut être, consciemment ou non, un vecteur de propos haineux.
Le fact-checking, un outil de lutte contre la désinformation
Mamadi Kébé, journaliste spécialisé en vérification de l’information, a introduit les participants aux techniques de fact-checking. Selon lui, ce genre journalistique vise à authentifier les informations, déconstruire les fausses nouvelles et rétablir la vérité.
Il a présenté plusieurs outils de vérification des contenus diffusés en ligne, notamment Google, TinEye, FotoForensics et Yandex. Ces outils permettent notamment de vérifier l’authenticité des images et des vidéos.
A travers cet atelier le Repprelci, à travers le projet LUCIDE entend faire en sorte que la presse ne soit pas l’entité à accuser d’être à la base d’une quelconque crise. Elle doit dénoncer et déconstruire la désinformation pour permettre aux populations d’être mieux éclairées, a insisté le coordonnateur du projet.
Outre les sessions théoriques tenues dans la salle de conférence de la Résidence Hôtel Maurisonn, les participants ont pris part, dans l’après-midi du samedi 10 mai 2025, à une visite de sensibilisation dans trois rédactions locales à Bouaké.
Il s’agit de la Radio « Alliance FM » ainsi que la web radio « Gêkê FM » et le journal en ligne « taleebinfo.net », dirigés respectivement par Alex Yao, Oumar Kobénan et Adama Taleb Koné qui ont accueilli la délégation du REPPRELCI conduite par son vice-président et Coordonnateur du projet LUCIDE, Mamadou Traoré.
Les échanges lors de ces visites ont permis de partager des expériences concrètes et d’identifier des pistes de collaboration pour renforcer la veille médiatique régionale.
Un exemplaire de la charte sur l’usage de l’Intelligence Artificielle par les journalistes de Côte d’Ivoire a été remise à chacune des rédactions visitées.
Cette charte a été adoptée par des journalistes en mars 2025 à Dabou (50 km à l’ouest d’Abidjan) lors d’un atelier du REPPRELCI soutenu par Le Forum Information et Démocratie et l’ASDM.
Lambert KOUAME
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