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Litige foncier à Marcory : Gbich! et Allo Police menacés d'expulsion
Aujourd'hui, 11:29

La Nouvelle Imprimerie de Côte d’Ivoire risque de disparaître si les autorités ne se penchent pas sur la question

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Encore une affaire qui n'est pas loin de rappeler une autre encore plus célèbre, celle de Komé Bakary. En effet, un climat d’inquiétude s’est installé depuis plusieurs mois au sein de la Nouvelle Imprimerie de Côte d’Ivoire (NICI), créée depuis 2019 et située à Marcory, dans les environs du groupe scolaire ”Les Allouettes”. Cette imprimerie est le fruit d'une collaboration entre deux entreprises de presse : Gbich! Éditions, société éditrice des hebdomadaires Gbich! et Allo Police et les Éditions Houri, éditrice de Mousso d'Afrique. Ce projet a obtenu un financement du Fonds de Développement et de Soutien à la Presse (FSDP) devenu aujourd'hui l’Agence de soutien et développement des Médias (ASDM). 

Genèse de l'histoire

Lorsque le dossier d'installation d'une unité d’imprimerie industrielle a été validée par le FSDP, les promoteurs, selon leurs dires, se sont attelés à trouver un site pouvant l’abriter. C'est ainsi que M. Sidibé Seydou, directeur des Éditions Houri, partie prenante du projet, fait la rencontre de M. Diallo Amadou, un homme d'affaires installé aux États-Unis et propriétaire d'une cour commune à Marcory. Lorsque ce dernier est mis au courant du projet, il accepte de raser sa cour afin que le bâtiment devant abriter l'imprimerie soit construit. 

Quelques mois après, un grand édifice comprenant un grand atelier et des bureaux sort de terre, entièrement financé par les promoteurs. Un contrat de bail professionnel est donc signé entre M. Diallo, propriétaire du site et les promoteurs de l'imprimerie qui sera dénommé Nouvelle imprimerie de Côte (NICI). Quelques années plus tard, les journaux Gbich! et Allo Police y rejoignent le journal Mousso d'Afrique. Ce projet symbolise une dynamique entrepreneuriale et éditoriale soutenue par le ministère de la Communication, et plus largement l’État de Côte d’Ivoire.

C’est sur ce site, exploité en toute légalité grâce à un bail professionnel signé avec M. Diallo Amadou, que les entreprises de presse poursuivent leur mission d'information depuis plusieurs années. Mais une contestation inattendue vient troubler cet équilibre.

Une vente invérifiable, une tentative de spoliation ?

Selon les proches des promoteurs, sans crier gare, un individu du nom de M. Adama Bathily, de nationalité malienne, débarque dans les locaux de l'imprimerie et se présente comme le nouveau propriétaire du terrain. Très volubile, il prétend l’avoir acquis auprès de M. Diallo, se vantant au passage d'avoir fait des affaires avec le regretté Premier ministre Hamed Bakayoko et affirmant être un proche du ministre de la Justice, Sansan Kambilé.

À la fin « de son show verbal, avec un ton condescendant et de mépris », il donne un délai de dix jours aux promoteurs pour débarrasser les lieux. Car selon lui, un hôtel de 10 étages doit être construit à cet endroit. Tout ce spectacle s'est produit sans que M. Bathily ait pu présenter le moindre acte de vente notarié. Pis encore, l'intéressé soutient que cette transaction aurait été conclue en Angola, sans que les conditions légales d’une cession immobilière en Côte d’Ivoire soient réunies.

Ayant échoué dans sa tentative et malgré toutes les nombreuses zones d'ombre constatées, M. Bathily introduit une action de déguerpissement auprès du tribunal de commerce. Une première décision du tribunal a d’ailleurs débouté M. Bathily, rejetant ses prétentions. Celui-ci a alors tenté une autre stratégie : demander la saisie du matériel d’imprimerie. 

Très combatifs et décidés à protéger leurs biens, les promoteurs de l'imprimerie ont réussi jusqu'à présent à contrecarrer ses manœuvres. Mais s'étant juré de déguerpir coûte que coûte la NICI, M. Bathily continue à attaquer sans relâche sur plusieurs fronts même s’il n’a pas pu obtenir jusque-là gain de cause. Entre-temps, M. Diallo Amadou dont le témoignage est crucial reste introuvable et injoignable. 

Tout ce flou soulève plusieurs questions majeures : pourquoi une vente de terrain situé à Abidjan aurait-elle lieu à l’étranger, hors du cadre notarial ivoirien ? Pourquoi les avis d’imposition foncière officiels, émis récemment encore en mai 2025, portent-ils toujours le nom de M. Diallo Amadou ? Comment peut-on revendiquer la propriété d’un terrain sans mutation administrative, ni publication, ni enregistrement auprès des services compétents ? Autant de questions sans réponses auxquelles sont confrontés les promoteurs de la NICI.

Des enjeux humains et professionnels majeurs

Derrière ce conflit foncier, ce sont plusieurs salariés, journalistes, techniciens, imprimeurs, agents de sécurité, collaborateurs administratifs, qui se retrouvent menacés dans leur stabilité professionnelle. Les sociétés concernées tiennent à rappeler que leurs locaux, équipements et investissements sont le fruit d’un effort collectif soutenu par les pouvoirs publics pour faire émerger une presse autonome, structurée et professionnelle. 

Les yeux sont désormais tournés vers la Cour d’Appel du tribunal de commerce d’Abidjan. L’affaire dépasse les simples enjeux fonciers. C’est toute la question de la sécurité juridique des entreprises en Côte d’Ivoire qui est en jeu. Rendez-vous le 8 juillet 2025 au Tribunal de commerce pour des éléments de réponse.

Modeste Koné

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