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Cantines scolaires : que deviennent les cuisinières pendant les vacances ?
Aujourd'hui, 10:33

Elles nourrissent les élèves toute l’année, mais dès que les écoles ferment, leur quotidien bascule dans l’incertitude.

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Une fois les écoles fermées, une autre bataille commence pour les cuisinières des cantines scolaires. Sans revenu fixe pendant les grandes vacances, ces femmes doivent se débrouiller pour nourrir leur propre foyer. Elles sont nombreuses à jongler entre petits boulots et commerces pour éviter de sombrer dans la précarité.

Discrètes derrière leurs marmites, ces femmes sont pourtant essentielles au bon fonctionnement des cantines, qu’elles interviennent dans des écoles publiques ou privées. Tous les jours, elles préparent des repas pour des centaines d’enfants. Mais leur statut reste flou. Recrutées sans contrat officiel, souvent de manière informelle, ces travailleuses vivent dans une précarité qui s’aggrave à l’approche des vacances scolaires.

C’est le cas de Sophie Konan, 28 ans, mariée et mère de quatre enfants, rencontrée, mercredi 9 juillet 2025, au quartier Sogefiha de Koumassi. Visage fin et fatigué, Sophie nous raconte son quotidien quand les cantines ferment leurs portes. « Je suis cuisinière dans une école privée à Koumassi. Déjà que c’est compliqué pendant l’année, les vacances rendent les choses encore plus dures. Nous sommes obligées de chercher des petits boulots pour tenir jusqu’à la rentrée. Moi, je vais souvent vers la zone industrielle, pas loin de chez moi, afin d’avoir un peu d’argent et couvrir les charges de la maison », explique-t-elle.

Comme Sophie, elles sont nombreuses à se débrouiller pour subvenir à leurs besoins. Il est 12h quand nous retrouvons Aïcha Ouédraogo, 24 ans, au quartier Boston de Koumassi. Installée sous un parasol, entourée de clients, elle vend de l’attiéké accompagné de poisson braisé, un plat populaire surnommé « Attiéké de femme » pour le différencier de du Garba, proposé par des hommes. Au cours de l’année, Aïcha fait la vaisselle et s’occupe des ustensiles dans une école publique de la commune. Mais une fois l’école fermée, elle revêt son tablier de commerçante. « Comme ce sont les vacances, on peut dire que nous sommes aussi en vacances ! », lance-t-elle dans un éclat de rire. « La cantine est fermée, mais j’ai pu mettre un peu d’argent de côté pour me débrouiller pendant ce temps. Aujourd’hui, je vends de l’attieké, du poisson grillé et un peu d’alloco. Franchement, je m’en sors pas mal. Dès que la rentrée approche, je retourne à mes casseroles à l’école », ajoute-t-elle. Elle précise avoir été recrutée grâce à une connaissance et qu’elle perçoit 40 000 francs CFA par mois.

Dans la région des Grands Ponts, à Dabou, Silvie Essis, cuisinière dans une école publique, tente tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau. Jointe par téléphone, elle confie d’une voix fatiguée qu’en cette période de vacances, elle reprend son ancienne activité pour survivre. « Pendant les vacances, je redeviens commerçante… Je fabrique de l’attieké que je vais vendre à la gare routière. C’est ça qui m’aide à préparer la rentrée des enfants », confie-t-elle. Derrière ces mots simples, transparaît l’épuisement d’une mère qui se bat, sans répit, pour offrir un minimum à sa famille, dans l’oubli total d’un système qui ne lui garantit ni sécurité, ni reconnaissance.

Outre les gérantes et autres employées des cantines scolaires, de nombreux corps de métier (enseignants, éducateurs préscolaires, techniciens de surfaces, etc.), exerçant dans le secteur privé de l’éducation en Côte d’Ivoire vivent les mêmes réalités : le chômage pendant les vacances.

Eliza Achy

 

Encadré : Et si elles étaient payées décemment !

En Côte d’Ivoire, la politique nationale de l’alimentation scolaire, lancée depuis 2016, a pour objectif de garantir au moins un repas chaud par jour à tous les enfants du primaire. Cette initiative a permis de renforcer la fréquentation scolaire dans plusieurs zones rurales. Mais sur le terrain, les femmes qui assurent ce service ne sont pas intégrées dans le dispositif de manière formelle.

Certaines associations militent aujourd’hui pour leur professionnalisation, avec des formations, des contrats de travail et une rémunération décente. Une démarche encore timide, mais indispensable pour sortir ces travailleuses de l’ombre.

EA

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