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Sa Majesté Nana Abrafi Koto (Reine-Mère des peuples de la CEDEAO et d'Afrique) : « j’interpelle les familles afin de ramener leurs enfants à l'ordre dans cette période
Aujourd'hui, 13:18

Nana Kyeremaa Abrafi Kôtô, entend jouer pleinement son rôle auprès des communautés de la CEDEAO et des peuples d'Afrique

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Sa Majesté Nana Kyeremaa Abrafi Kôtô est la Reine-Mère des communautés des peuples de la CEDEAO et d'Afrique. Issue de la famille royale Bron de Côte d’Ivoire et d’une grande famille royale et politique du Ghana, elle est aussi la Reine-Mère des ressortissants ghanéens en Côte d'Ivoire. Elle est reconnue pour son engagement en faveur des peuples et des femmes, ainsi que pour la promotion de la culture et du patrimoine immatériel africains. Nous l’avons rencontrée et elle a accepté de nous ouvrir les portes de son domicile à Abidjan. Dans cet entretien, elle parle de ses attributions, de son engagement en faveur des personnes en situation de vulnérabilité et lance un appel à la paix aux communautés qui sont sous son règne.

 

A quel moment Sa Majesté Nana Abrafi Koto a-t-elle été intronisée Reine Mère des communautés de la CEDEAO et d'Afrique ?

En 2021, les peuples de la CEDEAO m’ont fait l'honneur de présider la royauté des peuples de cette communauté. J’ai été intronisée en 2021 parce que très ancrée dans les différentes communautés auxquelles j’apporte mon soutien. Je viens en appui, la plupart du temps, aux personnes dites vulnérables, aux orphelins et également à certaines filles déscolarisées auxquels j’apporte un encadrement.

Mais pourquoi la CEDEAO et l'Afrique ?

Parce que la CEDEAO n'est pas la seule constituante vivant en Côte d'Ivoire. Il y a d'autres pays africains qui sont là et qui collaborent étroitement avec moi. Il s’agit de certains pays du Maghreb comme l'Egypte, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc. Sans oublier la RDC Congo, le Cameroun et bien d’autres. Et comme je   collabore avec toutes les communautés de ces pays, je ne pouvais pas limiter les choses uniquement à la CEDEAO.

Quelle sont vos prérogatives en qualité de Reine-Mère ?

Dans mes attributs royaux, je suis amenée à régler certains conflits communautaires, certains conflits entre couples et puis bien d'autres. Connaissant la force de la culture en Afrique, je viens comme le dernier recours dans la recherche des solutions à certains problèmes. Et en tant que Reine-Mère, c'est ce que je prends comme décision finale qui est appliquée.

Dans nos recherches, nous avons vu que vous avez fait des études supérieures. Avez-vous exercé dans l’administration avant votre intronisation ?

Avant mes attributs royaux, je suis une femme, comme toute autre femme, qui a bénéficié d'un cursus scolaire, où j’ai récolté des diplômes dans plusieurs domaines. Dans la vie active, je suis entrepreneure, Présidente-directrice générale d'un groupe dans l'immobilier, avec des partenaires venant de l'international.

Comment arrivez-vous à concilier vos charges professionnelles avec vos attributs royaux ?

Je suis une dame bien organisée. J’établie un programme, au-delà des activités professionnelles que je mène. C'est donc une question de programmation, parce que je sais faire la part des choses. Mais, il faut reconnaître que ce n'est pas facile.

Sa Majesté ne parle pas (Pour la circonstance, c’est le directeur de la communication qui a répondu aux questions lors de cette interview) et ne mange pas en public, N’est-ce pas beaucoup de trop de contraintes ?

C’est la vérité, mais ce sont des contraintes que je suis obligée d'assumer parce que c'est ma fonction qui le demande. Il y va de la respectabilité de l'autorité coutumière que j’incarne. Il m’est interdit de parler et de manger en public. Et c’est comme ça depuis que nos ancêtres nous ont légué ces attributs royaux. Je dois respecter à la lettre ce que recommandent les traditions. J’ai été formée déjà à cela parce que je suis issue d'une famille royale. C’est la raison pour laquelle il y a toujours un porte-parole qui écoute, qui est très attentif à l'oreille du roi ou de la Reine-Mère pour interpréter les propos qu'elle veut livrer à la personne qui est venue. Par contre, devant une situation où les communautés sont confrontées à des excès de violence entre elles, en tant que Reine-Mère, je peux en quelques mots, attirer l'attention de ces communautés afin de ramener le calme, de cultiver l'esprit de paix, de solidarité entre les uns et les autres, parce que la guerre n'apporte que la désolation.

Dans l’esprit de beaucoup de personnes, la Reine-Mère, c’est la mère du Roi ou de la Reine. Qu’en est-il exactement ?

La plupart du temps, quand on parle de reine, il s’agit de l'épouse de roi. La Reine-Mère, en Afrique, joue un rôle très important dans la cour royale. Parce que même le choix du Roi ou de la Reine est porté par la Reine-Mère. Elle a un pouvoir au-dessus. Elle peut être entourée des reines-mères qu'elle-même choisit, qui n'ont pas son statut, mais qui l'accompagnent dans ses tâches, dans ses attributions.

Nous vous voyons relativement jeune. Votre jeunesse n’est-elle pas un frein à la gestion de certaines questions ?

Non, pas du tout. La royauté n’est pas une question d’âge, mais plutôt de lignée. On a connu des Rois ou des Reines plus jeunes que moi. Souvenez-vous du Roi Rukidi IV de l'Ouganda, qui est monté sur le trône du royaume de Toro en 1995 à l'âge de seulement 3 ans. Plus loin de nous, la défunte Reine Elisabeth 2 est montée sur le trône à 25 ans.

Vous êtes l’une des rares Reine-Mères que l’on rencontre lors de certaines   cérémonies, dans vos tenues d’apparat, accompagnée de votre cour. Pourquoi les autres se font-elles aussi discrètes ?

L’Afrique a connu de nombreuses Reines-Mères, souvent combattantes. Rappelez-vous la reine du Dahomey, la Reine Abla Pokou de la Côte d’Ivoire ou la Princesse Yennenga du Burkina Faso. Mais les colons ne voulaient pas du tout de la présence de ces femmes-là. Aujourd'hui encore, il y en a dans certaines régions de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique, qui règnent dans le silence. Si vous me voyez aux cérémonies officielles, c’est pour montrer que nous sommes présentes et que nous avons notre rôle à jouer.

Justement ! L’on vous voit souvent dans les cérémonies organisées par le parti au pouvoir. Les autres ne vous invitent-ils pas, ou alors c’est un choix ?

Non, ce n'est pas un choix du tout. Je dirai tout simplement que c'est par méconnaissance que des gens pensent cela. La Reine-Mère que je suis, est apolitique, je ne fais donc pas de politique. Et ce n'est pas parce qu'on me voit dans les cérémonies dites officielles du parti au pouvoir comme on le dit, qu'on va me coller une étiquette. L’administration étant une continuité, si le pouvoir actuel est là et que je suis sollicitée dans les activités officielles, mon devoir c'est d'y être. Et quand je suis à ces cérémonies, c’est au nom de toutes les communautés de la CEDEAO et de l’Afrique. Et puis, je ne vais pas seulement qu’aux activités politiques. Je suis souvent présente dans les cérémonies d'investiture des chefs de communautés et des Rois. Je participe aussi à des concours tels que le concours culinaire et la désignation de la Reine Awoulaba il y a quelques semaines. J’étais aussi à l’avant-première du film Toukpè qui montre la force des alliances inter-ethniques. Il n'y a pas longtemps, il y a eu une cérémonie marquant la 7e édition d’une foire organisée à Grand Bassam et qui regroupait des pays de la sous-région et des pays comme la Turquie et l'Inde. J’y étais. Pour dire que ce ne sont pas seulement aux cérémonies étatiques que je participe.

En tant que Reine-Mère de la CEDEAO, aujourd’hui trois pays sont sortis de la communauté pour créer l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Avez-vous eu à intervenir dans ce conflit ?

J’excelle dans le domaine communautaire. Je ne veux donc pas m'impliquer dans la vie politique. Comme je l’ai dit tantôt, je suis apolitique. Par contre, j’interviens dans le cadre de la cohésion des ressortissants de tous ces pays qui vivent en Côte d'Ivoire. Toutes les communautés qui vivent ici représentent un seul corps.

Nous savons que vous avez une fondation qui mène de nombreuses actions en faveur des personnes vulnérables, pouvez-vous nous en parler ?

La Fondation Nana Abrafi-Koto s’est donnée pour missions de sensibiliser, de porter assistance aux personnes vulnérables, de former pour une autonomisation des jeunes et des femmes, de promouvoir la paix et la cohésion sociale. Et notre crédo et notre boussole de vie c’est qu’il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. En ces temps où l'individualisme l'emporte sur les valeurs de solidarité africaine, où l'indifférence triomphe de la compassion, les populations vulnérables ne savent plus où porter le regard. Face à la détresse, aux difficultés de tous ordres des populations, qui souvent n'ont aucune oreille attentive, ni de mains pour les secourir, nous sommes présents pour apporter un rayon de soleil à travers la Fondation. Ensemble, oeuvrons à apporter plus de bonheur dans les coeurs.

Vous organisez aussi un festival…

Il s’agit du Festival national de l'Afrique (FENA) qui vise à promouvoir la culture, l'intégration et la cohésion sociale en valorisant le patrimoine culturel immatériel et en soutenant la jeunesse africaine. Cette année, elle démarre par le volet sportif qui s’est déroulé du 5 au 7 septembre 2025 à l'espace du Député-Maire Aby Raoul à Marcory. Il a mis aux prises 16 à 18 équipes qui représentent toutes nos communautés. Le festival en lui-même va se dérouler les 12 et 13 septembre 2025, au Palais de la culture de Treichville.

Avez-vous prévu de l’exporter dans d'autres pays ?

Oui, et le nom l'exprime déjà. Donc si c'est le Festival national de l'Afrique (FENA), il ne doit pas s'implanter uniquement en Côte d'Ivoire. Nous avons des projets dans ce sens. Avec le comité d'organisation, nous sommes en train de voir comment les piloter.

Nous sommes à un mois et demi de l'élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Et, avouons-le, tout monde est un peu apeuré. Quel message pouvez-vous lancer aux populations ?

Le message que je peux lancer, c'est tout simplement une invitation à toutes les communautés africaines qui vivent et qui partagent le commun avec leurs frères et sœurs ivoiriens, de comprendre que la culture de la paix est indispensable à une société harmonieuse. Sans la paix, il n'y a pas de bonne cohabitation, il n'y a pas de stabilité pour permettre au pays de continuer l'amorce de son développement. La Reine-Mère que je suis, depuis plusieurs années, chaque fois qu'elle se retrouve au cœur des communautés, a toujours œuvré, par la voie de la sensibilisation. En interpellant les communautés à travers leurs ressortissants, afin de comprendre le bien-fondé et la nécessité de vivre en paix. Je n’ai pas attendu les élections pour le faire. J’ai même déjà commencé des tournées de sensibilisation depuis quelques mois. Je parcours des communes en allant vers les ressortissants, à travers les chefs des communautés et les guides religieux pour leur donner l'information.

Et à l’endroit des jeunes ?

Je voudrais interpeller nos enfants. Parce que vous savez, dans le domaine politique, ce sont nos enfants qui sont toujours au-devant de la scène. J’interpelle les familles afin de ramener leurs enfants à l'ordre dans cette période. J’interpelle tout le monde à la paix car la Côte d'Ivoire en a besoin. On ne souhaiterait pas revenir dans les années 2000. Nous sommes en 2025 et nous avons pour obligation de nous servir de ce qui s'est passé pour corriger ce qui vient.

Avez-vous un mot pour les politiques ?

Maintenant, en ce qui concerne les politiques, je demande aux différents politiciens d’éviter de mêler la population dans leur ambition. Les politiciens se doivent de cultiver ensemble cet esprit de paix. Éviter surtout que ceux qui les accompagnent passent leur temps dans la haine, dans les insultes, dans les excès de violence. Tout cela concourt à nuire à la réputation du pays et surtout à nous diviser les uns les autres. Je leur demande de privilégier l'intérêt supérieur de la nation. Nous avons besoin de gouvernants qui soient en mesure de créer l'unité autour du peuple.

Réalisée par Solange ARALAMON

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