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Conférence antiterroriste BRICS + 2025 : Ahoua Don Melo plaide pour un plan Marshall pour l’Afrique
Hier, 14:55

La voix d'Ahoua Don Melon sera t-elle entendue?

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Le vice-président de l’Alliance internationale des BRICS, Ahoua Don Melo intervenant lors de la conférence antiterroriste BRICS+ organisée par le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, a lancé à Moscou un appel en faveur d’un « Plan Marshall » pour répondre simultanément aux défis sécuritaires, économiques et politiques auxquels fait face l’Afrique, en particulier les pays du Sahel.

Ci-dessous, l’intégralité de sa déclaration

Après une période de lumière, ou période des grands empires, qui a duré du VIIIe siècle au XVIe siècle, les pays du Sahel, terre de Soundjata Kéita (1190 - 1255), de Kankan Moussa (1280 -1337), sont entrés, comme tout le continent africain, sous les lourdes dalles de l’esclavage transatlantique, de la colonisation et de la Françafrique.

Si l’histoire de l’Afrique, encore enseignée dans de nombreuses écoles du continent cache sa gloire passée pour justifier la mission « civilisatrice » de l’esclavage et de la colonisation, les 8 volumes de 800 pages chacun sur l’histoire générale de l’Afrique produits par l’UNESCO, de 1963 à 2000, avec 230 chercheurs, dont un tiers de non africains, sont venus restituer toute sa gloire passée, et aussi son déclin.

Les clichés racistes créés par cette période sombre continuent d’induire des complexes de supériorité et de donneurs de leçons chez certains et des complexes d’infériorité et de résignation chez d’autres.

C’est donc en se référant à ces sources, que constituent ces volumes de l’histoire générale de l’Afrique, que nous allons situer dans une perspective historique, le contexte du djihadisme pour contribuer à guérir le mal et renforcer la foi des peuples africains en un avenir glorieux.

 

I-DE LA LUMIERE DES GRANDS EMPIRES A L’OBSCURITE DE L’ELEVAGE COLONIAL

L’histoire glorieuse des pays du Sahel commence par la naissance de l’Empire du Ghana qui fût fondé par le peuple Sarakolé entre le IIIe et le VIIIe siècle de notre ère. Cet Empire était à cheval sur le Mali actuel et la Mauritanie et avait pour capitale Koumbi-Saleh.

L’Empire du Ghana a tiré sa puissance de l’exportation du sel et de l’or vendus en partie en Europe et en Arabie. Grâce à ces produits, il étendit son territoire vers le Tekrour (actuel Sénégal) et vers le Manding (Est de La Guinée).

Mais à partir du XIe siècle, l’Empire du Ghana passa sous domination Almoravide, empire berbère qui s’étendit jusqu’au Sud de l’Europe, puis, en 1235, sous celle de l’empire du Mali avec Soundjata Kéita qui créa la charte du Mandé, considérée comme l’une des premières déclarations des droits de l’homme. Sous sa férule, l’Empire du Mali s’étendait du Sahara à la forêt, de l’Océan Atlantique à la boucle du Niger et englobait de grandes parties des territoires actuels du Mali, de la Guinée, du Sénégal, de la Gambie, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie.

Soundjata Kéita établit la capitale de l’Empire à Niani dans la Guinée actuelle ; Tombouctou qui a suscité l’émerveillement de René Caillé, était la capitale économique et culturelle.

L’Empire du Mali réussit, dans la paix, à faire coexister diverses ethnies que sont : les Touaregs, les Wolofs, les Bambaras, les Songhaïs, les Dialonkés, les Malinkés, les Dogons, etc. Toutes ces populations avaient en effet adhéré à la Charte du Mandé.

L’économie de l’Empire du Mali reposait sur l’agriculture, l’artisanat, l’or, l’ivoire et le commerce avec le bassin méditerranéen.

L’âge d’or de l’Empire fût atteint sous le règne de Kankan Moussa, vers 1312. Pendant cette période, l’Empire du Mali s’étendit de l’Adrar des Ifoghas à l’estuaire de la Gambie.

En 1324, Kankan Moussa effectua un pèlerinage à la Mecque avec tellement d’or (environ 10 tonnes) que le cours du métal précieux aurait baissé pendant plusieurs années. Il reste d’ailleurs, jusqu’à aujourd’hui l’homme le plus riche de la planète.

La puissance économique et militaire de l’Empire du Mali est un don du fleuve Niger. Grâce à elle, le rayonnement de Tombouctou, la capitale économique et culturelle de l’Empire et de son illustre Roi Kankan Moussa franchit toutes les frontières.

L’un des empereurs du Mali, Aboubakari II, qui aurait régné de 1310 à 1312, tenta d’envoyer une expédition maritime de 200 bateaux vers l’Amérique sans y parvenir. Aboubakari II, lui même, aurait décidé de relever le défi à la tête de 3 000 bateaux. Il n’en est jamais revenu.

En revanche, là où Aboubakari II a échoué, Christophe Colomb réussit. Essentiellement, à cause de l’invention de la caravelle, un bateau adapté à l’agitation de la mer.

L’échec d’Aboubakari II et la victoire de Christophe Colomb ferment la période de gloire de l’Afrique à travers l’Empire du Mali et ouvrent la période la plus sombre de son histoire qui a commencé par la déportation et la mise en esclavage des créateurs de la richesse dorée de l’Empire du Mali.

Suite à la conférence de Berlin en 1885, la France prend possession de la majorité des territoires de l’Empire du Mali, après avoir vaincu Samory Touré (1830 -1900) et El Hadj Omar Tall (1794 - 1864). Le soudan français est ainsi créé le 18 août 1890 et intégré à l’Afrique Occidentale Française (AOF) en 1895.

Dès lors, l’Empire français s’accapare des richesses aurifères qui ont contribué à la puissance de l’Empire du Mali et soumet la population aux travaux forcés pour la production du coton et de l’arachide.

En 2018, la Banque de France possède 2437 tonnes d’or qui constituent 64% de ses réserves de change tandis que le stock d’or de la BCEAO regroupant les pays du territoire de l’Empire du Mali, reste plafonné à 36.5 tonnes (4.6 tonnes par pays) ; ce qui représente à peine 10.4% de ses réserves de change.

Toute la puissance économique et financière de l’Empire du Mali passe alors d’un seul coup à l’Empire colonial français, puis à la France.

Tel est l’enjeu de la lutte pour la souveraineté des peuples du Sahel qui concerne tout le futur du continent Africain. Car, la victoire des peuples du Sahel sera semblable à la victoire de Soundjata Keita. En revanche, sa défaite sera semblable à la défaite d’Aboubakari II et de Samory Touré.

II-DE L’OBSCURITE DE LA COLONISATION A LA LUMIERE DE LA SOUVERAINETE RETROUVEE

A l’issue du référendum organisé par la France sur l’Empire français, la République soudanaise est proclamée en 1958.

Modibo Keita (1915 - 1977) proclame l'indépendance de la République Soudanaise sous le nom de la République du Mali le 22 Septembre 1960.

En 1968, Modibo Keïta fut renversé par un coup d’État conduit par le lieutenant Moussa Traoré (1936 - 2020), qui instaura une dictature.

Le 26 mars 1991, celui-ci fut renversé à son tour par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré ( 1948- 2020). Après une période de transition, ce dernier instaura un processus démocratique avec l'élection d’Alpha Omar Konaré en 1992, qui sera réélu en 1997.

En 2002, le général Amadou Toumani Touré, qui avait pris sa retraite de l'Armée pour se présenter, fut élu président de la République du Mali, et réélu en 2007. Le 22 mars 2012 Amadou Toumani Touré fut renversé par un putsch, mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo dans un contexte de rébellion touarègue et d’attaques djihadistes. Après une transition, Ibrahim Boubacar Keïta fut élu président de la République en septembre 2013, puis sera réélu en 2018 au terme d'une élection contestée.

III- LA MENACE DJIHADISTE

Le gouvernement doit alors, faire face à une situation sécuritaire désastreuse induite par une rébellion et des attaques djihadistes. Comment cela est-il arrivé?

En 2011, Mouammar Kadhafi, président de la Libye depuis 1969, est renversé et assassiné. De nombreux combattants Touaregs de son armée regagnent le Mali où une nouvelle rébellion se prépare.

Fin 2011, est fondé le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) revendiquant l’indépendance.

Début 2012 est fondé Ansar Dine (les Défenseurs de la religion) avec pour objectif, l’application de la charia au Mali. Ansar Dine est allié à AQMI (Al Qaida pour le Maghreb Islamique) de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar dit le Borgne. AQMI est issu d’une scission du Groupe Islamique Armé (GIA) bras armé des islamistes pendant la guerre civile algérienne et ayant fait allégeance à Al Qaida.

En janvier 2013, les djihadistes lancent une offensive sur le sud du Mali, dont Lyad Ag Ghali est le principal initiateur. Le 9 janvier, il dirige l'assaut sur la ville de Konna, qui est conquise.

Cette attaque provoque dès le lendemain une intervention militaire de l'armée française et de plusieurs pays africains. Les djihadistes d'Ansar Dine et d'AQMI abandonnent leurs positions et se réfugient dans l’Adrar des Ifoghas, un massif montagneux dans le nord-est du Mali, près de la frontière algérienne.

Le 29 janvier 2013, une conférence de donateurs internationaux à Addis Abeba promet au total, 455 milliards de dollars, principalement pour financer l’opération militaire et la France réaffirme sa volonté de rester le temps qu’il faut. Cette déclaration est restée sans suite significative et la situation sécuritaire est devenue de plus en plus désastreuse.

Les 5 et 19 juin 2020, à l'appel de l'imam Mahmoud Dicko, des dizaines de milliers de manifestants sortent dans les rues pour réclamer la démission d’Ibrahim Boubakar Kéita.

Le 18 août 2020, vers 16 h 30, Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre, Boubou Cissé, sont arrêtés. Une transition civile s’ouvre et connait le même sort qu’Ibrahim Boubakar Kéita, qui ouvre la voie à une transition militaire, en 2021, dirigée par Assimi Goita et comme Premier Ministre Choguel Maiga.

Sous la pression de la rue qui demande le départ des troupes françaises et l’arrivée de la Russie, la France annonce le 10 Juin 2021, le départ de l’opération Barkhane déployée par la France contre le terrorisme et dénonce la présence de la société privée Russe Wagner au Mali.

Arrivée en colon en 1898 et en sauveur en Janvier 2013, l’armée française quitte définitivement le Mali le 15 août 2022 et s’ouvre dès lors, une période d’espoir d’une plus grande souveraineté pour le peuple Malien, sous la direction d’Assimi Goita.

A la suite du Mali, le Burkina Faso, en septembre 2022 et le Niger, en Juillet 2023 empruntent la même voie et créent l’AES (Alliance des Etats du Sahel) pour mutualiser leurs efforts en créant une défense commune face aux menaces d’agression. Le plus dur reste à venir pour défendre la souveraineté et retrouver la prospérité et la gloire.

L’AES est l’une des rares régions subsahariennes à produire du blé, détenant l’une des plus grandes réserves au monde d’hydrogène naturel, d’uranium et de pétrole. Avec plusieurs tonnes d’or produits par an, l’AES a les moyens de sa prospérité, à condition d’avoir la pleine souveraineté sur ses richesses comme Kankan Moussa, de rendre navigable en toute saison le fleuve Niger et d’en faire l’un des greniers et parc animalier de l’Afrique.

Les peuples de l’AES et leurs Chefs portent donc une lourde responsabilité.

Ces Chefs se rappellent certainement de cette phrase de l’hymne du Manding à l’endroit des Rois (Faama) du Manding : «Faama, le peuple te fait confiance parce que tu incarnes ses vertus ».

Peuple de l’AES, votre échec sera un échec pour tout le continent avec des conséquences semblables à l’échec d’Aboubakari II et de Samory Touré. Votre victoire, en revanche, sera un espoir pour tout le continent comme le fut la victoire de Soundjata Kéita et la prospérité du Mali de Kankan Moussa.

Mais le plus dur est là.

IV-LA SOUVERAINETE MENACEE

La situation actuelle est marquée par une forte détérioration après des avancées notoires suite à la libération de la ville martyre de Kidal qui avait été assiégée par les djihadistes.

Les groupes les plus actifs sont aujourd’hui fragmentés mais ont étendus leurs menaces pour encercler l’AES tout en coupant les principales voies d’accès aux ports voisins et en progressant vers les pays côtiers.

Le groupe JNIM (Jama’at Nusrat al-islam wal-Musulimin) affilié à Al Qaida. Ce groupe opère notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Le groupe EIGS (Etat islamique au grand Sahara. Ce groupe opère surtout au Nord du Burkina Faso, à l’Ouest du Niger dans la région du Liptako-Gourma).

Le groupe ISWAP (Islamic State West Africa Province) et Boko Haram opèrent vers le bassin du Lac Tchad, au Nord du Nigéria, Niger, Cameroun, Tchad. Leurs armements deviennent de plus en plus modernes avec des explosifs et des drones. Ils proviennent des stocks des armées nationales détournées suite à des attaques, des stocks de la Libye, des marchés illicites alimentés par des milices et des trafiquants à partir de certains pays de l’Europe.

La Russie apporte un soutien logistique et de renseignement pour détruire les capacités miliaires des djihadistes. Mais le mal est si profond et fertilisé par la pauvreté, qu’un « Plan Marshall » est nécessaire pour s’attaquer aux racines du mal par un développement accéléré et le retour de l’Etat sur toute l’étendue de l’AES.

L’impact de cette barbarie dépasse largement le cadre sécuritaire et plonge la région dans une crise humanitaire profonde. Environ 4 millions de personnes de l’AES sont déplacés vers les pays voisins. De plus, plusieurs écoles et centres de santé ont fermé dans la région. Les agriculteurs et les camions de transport de carburant sont directement pris pour cible.

Ces groupes kidnappent des élèves, tuent des agriculteurs et extorquent de l’argent pour financer leurs activités. Un effet domino désastreux sur l’ensemble de la région est plausible. A l’Est du continent, au centre et à l’Ouest, le mal est partout.

La menace exige une approche multidimensionnelle, coordonnée au niveau régional et mondial (réponse militaire, « plan Marshall », actions de développement et restauration de l’autorité de l’Etat) pour venir à bout du djihadisme. Mais l’AES n’est pas l’Ukraine ou la communauté internationale est plus préoccupée par la chute des régimes de l’AES que par l’éradication du djihadisme.

Les pays membres de BRICS+ avec l’appui de la Banque des BRICS doivent prendre l’initiative d’un « Plan Marshall » pour l’Afrique afin de donner une réponse multidimensionnelle à la menace.

L’espoir est permis et cette rencontre peut être le signe de cet espoir.

Fait à Moscou, le 3 décembre 2025

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