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La bombe Trump sur l’Europe
16 févr. 2025, 11:28

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L’histoire nous l’enseigne. La morale la proscrit impérieusement. Toute construction sur du sable mouvant est vouée à un inévitable écroulement. Les Européens et l’Ukraine qui, en dépit de tout, ont jusque-là choisi de construire des châteaux de cartes, viennent de l’apprendre à leurs dépens. Les châteaux qu’ils ont construits en Espagne depuis le début de la guerre russo-ukrainienne le 24 février 2022 viennent, tous, de s’écrouler après la minuscule bombe lancée par Donald John Trump à partir de son réseau social Truth Social.

C’est que pour joindre l’acte à sa parole de campagne, le nouveau président américain qui a juré de mettre fin à la guerre en Ukraine a décroché son téléphone, jeudi 13 février 2025, et appelé son homologue russe. Pendant une heure et demie, les deux chefs d’Etat ont posé les jalons des futures discussions qui auront possiblement lieu en Arabie-Saoudite. Donald Trump a annoncé dans la foulée que ce sera sans l’Ukraine et les Européens. Ce qui fait pousser de gros boutons aux dirigeants européens qui voient dans la démarche du chef de la Maison Blanche, une ruse pour partager le gâteau Ukraine dans leur dos.

Un confrère français dépeint la situation que vit en ce moment l’Europe avec des mots et des expressions idiomatiques bien choisis : « A la veille de la Saint-Valentin, Donald Trump et Vladimir Poutine ont déjà pris langue pour un restaurant en amoureux. Un mois seulement après la prise de poste du président des Etats-Unis, la question de la guerre en Ukraine est déjà au menu. Si ce n’est pas le fast-food annoncé d’une résolution en vingt-quatre heures, ce que le Républicain avait assuré être capable de faire lors de sa campagne, le chef d’Etat a toutefois déjà commencé à avancer ses pions. La composition du repas reste encore floue, mais le dîner est prévu en tête-à-tête, probablement en Arabie saoudite ».

Arrivé mercredi 12 février 2025 à Bruxelles pour prendre part à une réunion de l’OTAN, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, n’a pas mis longtemps pour mettre la pression sur les Européens relativement à la sortie de crise en Ukraine. Le bras droit de Trump a martelé à ses homologues qu’il serait illusoire de penser que l’Ukraine reviendrait à ses frontières d’avant 2014. L’ancien chroniqueur de Fox News, la télé qui soutient Trump, ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Pour lui, il serait tout autant inimaginable de rêver à une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Il n’a pas manqué de rappeler que les Européens doivent être de plus en plus sur le terrain et ne pas l’abandonner aux seuls Américains. D’ailleurs, a-t-il assuré, les Etats-Unis n’enverraient pas de troupes en Ukraine. Trump se prépare plutôt à mettre fin au « massacre » pour une paix durable dans la zone.

En clair, ce que les Européens craignent arrivera coûte que coûte. Trump et Poutine ont déjà balisé le terrain des discussions. On peut même avancer sans courir le risque de se tromper qu’ils ont déjà trouvé un accord pour sortir de la crise et reprendre leur coopération. Le jour où ils vont se retrouver en Arabie-Saoudite, ce sera pour les photographes et la pose de leurs signatures respectives au bas du document. Les deux chefs d’Etat se savent très forts devant les Européens. Et comme la diplomatie respecte aussi l’adage du rapport de force, ils vont imposer la paix aux plus faibles.

On comprend dès lors pourquoi les Européens pleurent à chaudes larmes. Tous leurs rêves chimériques se sont évanouis depuis ce jeudi 13 février, veille de la fête de l’amour. Ils ont promis à l’Ukraine qu’elle gagnerait la guerre contre la Russie, même après l’échec cuisant de la contre-offensive ukrainienne de 2023. Chimère ! Les Américains ne veulent plus de guerre. Ils ont annoncé à tous leurs rassemblements que le pays de Zelensky rejoindrait l’OTAN. Douche froide. Les Américains, à commencer par Jo Biden, n’y pensent même pas. Comme des somnambules qui avancent dans le noir, ils ont fait miroiter à l’Ukraine qu’elle récupèrera ses terres conquises par la Russie. Depuis ce fameux jeudi, ils sont comme groggy.

La pilule est si dure à avaler qu’après l’uppercut qu’ils ont reçu du président républicain, un crochet est venu par derrière pour les mettre techniquement KO. Après son échange téléphonique avec Poutine, Trump annonce, triomphal : « Nous avons parlé des forces de nos nations respectives et du grand bénéfice qu’il y aura un jour à travailler ensemble ». Dans le pipe, il y aurait la reprise de la coopération entre les deux nations et, subséquemment, la levée des sanctions prises par son pays contre la Russie et vice-versa. « Nous voulons mettre fin aux millions de morts liées à la guerre Russie-Ukraine. Le président Poutine a même utilisé mon très percutant slogan de campagne : "BON SENS". Nous y croyons tous les deux, très fortement », a ajouté le président américain.

Le Républicain qui est avant tout un homme d’affaires très nationaliste, ne cherche que les intérêts de son pays. Il a proposé déjà aux Ukrainiens un protocole d’accord dans lequel l’Ukraine ouvrirait ses terres rares, c’est-à-dire les terres dont le sous-sol est rempli de minerais, aux entreprises américaines pour leur exploitation. Avec son franc-parler, il explique que l’exploitation de ces richesses permettra aux Américains de rentrer dans leurs fonds perdus dans la guerre en soutien aux troupes ukrainiennes. Pour l’heure, Kiev marque le pas estimant que ledit accord ne protège pas assez le pays. Quant au secrétaire d’Etat américain, il entend parvenir rapidement à un accord parce que, explique-t-il, « Une partie de cet argent servira à rembourser le contribuable américain pour les milliards de dollars qui ont été dépensés dans ce pays ».

Selon une étude réalisée sur les minerais ukrainiens en avril 2023, les ressources en minerais de l’Ukraine pourraient s’élever à 111 milliards de tonnes, pour une valeur de 14.800 milliards de dollars-principalement du charbon et du minerai de fer. L’administration Trump n’a pas encore dit ce qu’elle ferait de la reconstruction de ce pays de plus 30 millions d’habitants. Un domaine que lorgnent plusieurs pays européens qui espèrent ainsi donner du boulot à leurs entreprises qui connaissent de réelles difficultés depuis que l’Europe a coupé ses relations avec la Russie.

Sur le terrain des minerais et de la reconstruction, plusieurs observateurs estiment que Poutine et Trump s’entendront assez rapidement puisque près de 70% des terres rares sont dans les régions de Donetsk et Lougansk, en partie conquises par l’armée de Poutine. Si cet accord venait à être conclu entre Américains et Russes, les Européens et l’Ukraine s’arracheront tous les cheveux, incapables qu’ils sont de s’opposer à deux super-puissances qui pourraient les manger en dessert.

La guerre en Ukraine tire à sa fin avec un super gagnant : l’Amérique. Le pays de l’oncle Sam aura réussi, à travers ce conflit, à fragiliser la Russie dont l’économie va connaître forcément une inflexion, à mettre à genoux celles des pays européens qui vont de crises sociales en crises économiques et financières. Avec les nouvelles relations à établir avec Poutine, Trump pourrait réussir à arracher le leader russe à la Chine, seule puissance sur la place qui resterait en face de la grande Amérique. Quand la géo-politique nous tient !

Abdoulaye Villard Sanogo

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